Les métaux précieux, qui avaient précédemment profité à plein de leur statut de valeur refuge, ont cette semaine encaissé de plein fouet le renforcement du dollar, avec des pertes allant de 4 à 20% et une chute du platine à son niveau le plus faible de l'année. Les cours du métal jaune ont fortement reculé, lâchant 4,6% sur la semaine, victimes de prises de bénéfices après des semaines de folle envolée, mais aussi de l'effet retard de la hausse du dollar. La semaine dernière, les cours de l'or avaient culminé à 1249,40 dollars, un record historique, après avoir attiré en masse les investisseurs cherchant la sécurité face aux risques budgétaires de la zone euro. Ils sont retombés vendredi jusqu'à 1166,30 dollars, un plus bas depuis le 5 mai. "La dégringolade des cours est très probablement attribuable aux prises de bénéfices encaissées par des investisseurs spéculatifs, même si les investisseurs jouant le long terme continuent à accumuler de l'or", avancent les analystes de Commerzbank. En outre, la forte poussée du dollar, qui a atteint un sommet depuis 4 ans face à l'euro, réduit les pressions inflationnistes et l'attrait de l'or comme protection contre la dépréciation du dollar. L'argent a cédé en une semaine près de 10% de sa valeur (9,77%). Prisé par les investisseurs comme une alternative moins chère que l'or, l'argent adopte généralement un comportement plus volatil: il grimpe et coule plus vite que l'or. Les métaux du groupe platine ont été très durement affectés par ce retournement: en plus du renforcement du dollar, ils ont pâti de la crainte que leur utilisation dans l'industrie ne soit affectée par un retour en récession. En effet, "avec une cure d'austérité en Europe, les ventes de voitures ne pourront être que médiocres" dans la région et ainsi affecter les cours du platine, utilisés dans la fabrication des moteurs diesel particulièrement prisés par les européens, commentait Andrey Kryuchenkov, analyste de VTB Capital. Le palladium a subi une dégringolade particulièrement spectaculaire: sa valeur a fondu de 21% en une semaine, revenant à un niveau plus observé depuis décembre. Le métal n'avait pas subi une telle chute hebdomadaire depuis octobre 2001, observe Suki Cooper, analyste chez Barclays Capital. "En ce moment, il y a la crainte que la crise de la dette en zone euro n'ait un impact sur l'économie mondiale et que cela n'affecte la demande de palladium", expliquent les analystes de Commerzbank. "Les spéculateurs y voient clairement une bonne excuse pour empocher des bénéfices" après des mois de progression des prix, ajoutent-ils. L'érosion a été forte aussi pour le platine, qui a perdu 13,3% en une semaine et a plongé jusqu'à 1146,50 dollars, un prix plus observé depuis le 31 décembre 2009. De leur côté, les cours des métaux de base ont essuyé de lourdes pertes cette semaine, minés par la crainte que la crise européenne et un resserrement du crédit en Chine ne freinent la reprise mondiale, même si des indices témoignent d'une accélération de la consommation de métaux. "La crainte que la demande chinoise de métaux ne ralentisse a été exacerbée par les inquiétudes sur les dettes du sud de l'Europe", a expliqué Michael Widmer, analyste chez Merrill Lynch. "Un problème à l'origine local s'est transformé en affaire mondiale, comme on a pu le voir avec le bond des coûts d'assurance bancaire contre le risque de défaut (CDS) et le déclin mondial des marchés d'actions", explicite-t-il. Utilisées par les opérateurs comme jauge de la consommation mondiale, les Bourses ont en effet connu une nouvelle semaine de turbulences, marquée notamment par la décision de l'Allemagne d'interdire temporairement certains produits financiers extrêmement spéculatifs. Autre facteur très négatif pour le marché, le dollar a progressé à pas de géant, atteignant cette semaine son niveau le plus fort face à la monnaie unique en quatre ans. Les acheteurs munis d'autres devises que le dollar voient leur pouvoir d'achat réduit et diffèrent leurs achats. Pour certains analystes, la chute des prix a assaini le marché, qui est prêt à rebondir. Mais d'autres jugent au contraire que l'environnement restera durablement défavorable aux métaux. "Le boom des prix des matières premières jusqu'en 2008 s'est produit lorsque la croissance était forte, le crédit facile et le dollar faible. Par contraste, l'environnement de 2011 et au-delà devrait être une longue période de croissance molle, de crédit restreint et de dollar vigoureux", prévient ainsi Julian Jessop, analyste chez Capital Economics. En outre, les tensions sur l'offre se sont réduites avec le retour complet au travail des grévistes dans la mine géante chilienne de Collahuasi, qui produit environ 3% du cuivre mondial. "Le marché a ignoré des données économiques positives en provenance des Etats-Unis et de l'Europe, de même que la baisse continue des stocks" au LME et sur les autres marchés, soulignait néanmoins M. Bhar. "Le tableau de l'offre et la demande est indéniablement favorable aux prix, avec une demande mondiale de cuivre affichant une progression quasiment à deux chiffres" juge quant à lui Nicholas Snowdon, de Barclays Capital.