Le président ukrainien Viktor Iouchtchenko, en conflit avec le gouvernement, a prononcé lundi soir la dissolution du Parlement. Deux ans et demi après la "révolution orange", il abat sa dernière carte pour tenter de reprendre le pays en main. La mobilisation populaire pourrait conduire l'Ukraine vers un nouveau bras de fer au long cours. Viktor Iouchtchenko a ainsi abattu sa dernière carte. La "révolution orange" broie du noir. Près de trois ans après le mouvement populaire et pro-occidental qui l'a porté au pouvoir, le président ukrainien Viktor Iouchtchenko a dissout, lundi soir le Parlement. Pris dans une confrontation avec les députés et le gouvernement prorusse, l'homme au visage à jamais marqué par une tentative d'empoisonnement lors de la campagne présidentielle de 2004 s'est donc risqué à une solution extrême pour sortir de la crise politique, quitte à y laisser sa place. "La nécessité cruciale de préserver l'Etat, sa souveraineté et son intégrité territoriale a précipité ma décision", a expliqué Iouchtchenko lors d'une allocution télévisée, fixant la date des élections législatives au 27 mai. Immédiatement, les députés ont condamné largement cette initiative. Réuni en session d'urgence, le Parlement, contrôlé par la coalition du Premier ministre Viktor Ianoukovitch, a adopté une résolution proclamant que le décret présidentiel "porte tous les signes d'un pas franchi en direction d'un coup d'Etat". "Tout acte du président ukrainien entraînant la suspension des activités parlementaires est illégal et contraire à la Constitution", a renchéri le vice-Premier ministre Dmitro Tabachnik, alors que Iouchtchenko a revendiqué la légalité de sa décision. Le Premier ministre a, quant à lui, menacé son adversaire d'une présidentielle anticipée s'il ne revenait pas sur la dissolution. Il faut dire que Iouchtchenko risque maintenant d'être marginalisé. Deux ans et demi après la "révolution orange", l'Ukraine s'avance vers un nouveau bras de fer. Mis en minorité lors des élections générales de 2006, Iouchtchenko avait été contraint de nommer son adversaire de la présidentielle à la tête du gouvernement. Depuis, celui-ci semble oeuvrer à renforcer son camp, en rameutant les anciens partisans de la révolution orange, et dispose désormais de 260 des 450 sièges parlementaires. Or, Iouchtchenko prend un risque en organisant des législatives anticipées. Si la majorité gouvernementale parvenait à s'adjuger 300 sièges, elle pourrait passer outre le véto présidentiel, et Iouchtchenko se retrouverait automatiquement sur la touche, à la merci de réformes constitutionnelles. L'exemple d'une mobilisation victorieuse il y a deux ans devrait pousser les Ukrainiens dans la rue. Dimanche dernier, déjà, plusieurs dizaines de milliers de partisans de Ioulia Timochenko, Premier ministre au début du mandat de Iouchtchenko, ont manifesté pour réclamer la dissolution. Et lundi soir, les opposants du président commençaient à affluer dans les rues de Kiev, quelques milliers d'entre eux ayant même établi un campement pour la nuit, alors que les organisateurs du mouvement se préparent à une mobilisation de longue durée.