Vingt-quatre heures avant le sommet du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) de Doha, la question de la création d'une Opep du gaz continue de dominer l'actualité énergétique mondiale. L'Europe, qui affiche des pseudoinquiétudes, estime que les principaux fournisseurs mondiaux que sont le Qatar, la Russie, l'Algérie, l'Iran et le Venezuela pourraient s'entendre sur la création de ce cartel qui, selon elle, dicterait les prix au point de provoquer des crises. En avançant ce genre d'arguments, l'Europe semble mettre la charrue avant les bœufs, d'autant que, selon les initiateurs même de l'idée, sa concrétisation semble peu probable à court terme. D'ailleurs, le ministre russe de l'Industrie et de l'Energie, Viktor Khristenko, a déclaré, lors d'une conférence de presse vendredi, qu'on ne pourra pas voir un marché mondial du gaz ni une organisation du gaz similaire à l'Opep avant 10 ou 15 ans. Faisant le parallèle avec l'Opep, M. Khristenko a souligné que "l'Opep a été créée en réaction à l'apparition d'un marché mondial du pétrole. Mais un marché mondial du gaz ne sera pas créé avant 10 ou 15 ans, et une organisation d'exportateurs de gaz pourrait difficilement émerger avant ce délai". Les déclarations de plusieurs pays occidentaux sur la formation prochaine d'un "club des exportateurs de gaz sont destructives et infondées", a ajouté M. Khristenko. Ils cherchent à "créer une image de menace mondiale dans l'objectif de mobiliser l'opinion publique de ces pays pour détourner l'attention de leurs propres problèmes". Par ailleurs, le président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, dont le pays est l'un des principaux producteurs d'Asie centrale, a estimé lundi qu'il ne devrait pas y avoir "pour le moment" de création d'une "Opep du gaz". De son côté, M. Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines, a déclaré dimanche dernier que cette question n'était pas inscrite à l'agenda de la réunion de Doha. Cependant il a indiqué qu'il était "fort possible qu'un des participants au Forum mette cette question à l'ordre du jour". Le spectre du manque d'approvisionnement pousse l'Europe à voir le péril là où il n'existe pas. Sinon comment expliquer leur hostilité à tout rapprochement entre pays producteurs?. L'on se souvient de sa réaction à l'accord signé entre Sonatrach et Gazprom l'été dernier. Permettre aux pays producteurs de s'organiser quand les consommateurs, les clients, s'organisent devient un impératif. Les pays producteurs cherchent en effet à partager leurs informations en termes de contrats, afin d'obtenir les mêmes conditions pour tous. Quant à la menace sur les prix brandie par les clients, cela ne peut être considéré que comme un épouvantail. D'ailleurs ce n'est pas un hasard si le ministre du Commerce russe, Guerman Gref, a déclaré dans la presse espagnole mercredi qu'il n'y avait pas de raison que les prix montent à court terme avec la mise sur pied d'une Opep du gaz. En effet, contrairement au pétrole, les prix du gaz sont plus compliqués à manipuler. Pour la bonne raison que les prix sont établis, certes, en fonction de l'évolution du prix du pétrole, mais par le biais de contrats, établis entre producteurs et clients, sur une très longue période, de quinze ou vingt ans. Cette situation s'explique par le fait que les investissements pour l'extraction, le transport par gazoduc ou par méthanier - cette dernière méthode impliquant la liquéfaction, processus coûteux - sont particulièrement lourds et souvent partagés entre les deux parties. Du coup, peu de gaz est échangé de gré à gré sur le marché, à New York par exemple (10% seulement). Or, c'est cette procédure, largement utilisée pour le pétrole, qui permet aux prix de fluctuer en fonction de l'offre et de la demande. Une approche partagée par le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) Claude Mandil qui s'est dit "peu inquiet", indiquant qu'il "ne voyait pas comment il serait possible de transposer au marché du gaz le mécanisme mis en place par l'OPEP pour le pétrole".