Alors que les critiques se multiplient dans le monde pour dénoncer la généreuse représentation des Européens au Fonds monétaire international, les pays du Vieux Continent renâclent à abandonner leurs prérogatives sans rien obtenir en échange. L'affaire est partie en août du refus des Etats-Unis de reconduire un conseil d'administration où l'Europe contrôle aujourd'hui 9 des 24 sièges. "Les Etats-Unis considèrent le FMI comme trop eurocentrique", écrivait jeudi le Washington Post, résumant en une formule choc une position que Washington n'a pas exprimé de cette manière en public. Cet article, comme d'autres parus ces dernières semaines dans la presse internationale, cite des administrateurs européens non identifiés qui déplorent l'empressement soudain des Etats-Unis à bousculer l'ordre établi. Les Américains avaient pourtant prévenu. "Nous sommes en faveur d'une réduction de la taille du conseil, qui préserve le nombre actuel de sièges pour les pays émergents et en développement", disait le secrétaire au Trésor Timothy Geithner dès avril. En clair, il voulait moins d'Européens autour de la table de la plus haute instance de décision du Fonds. Fin juin, le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn confiait qu'il partageait cet objectif. Vu du Sri Lanka, de la Mongolie ou d'Haïti, pays qui ont appelé le FMI à l'aide, il est difficile de comprendre pourquoi en 2010 il faut aller convaincre un Belge et un Néerlandais, un Italien, un Espagnol et un Danois, qu'on est dans le besoin. Faute d'être entendus, les Etats-Unis ont lancé leur coup de poker au beau milieu de l'été: ils bloquent la résolution qui devait permettre de maintenir 24 sièges, alors que les statuts en prévoient 20. Si aucun accord n'est trouvé, au 1er novembre quatre sièges disparaîtront: celui du Brésil, de l'Inde, de l'Argentine et du Rwanda. Déjà flagrante, la surreprésentation des Européens deviendrait absurde. Les Européens sont prêts à monnayer une meilleure représentation de la Chine au FMI en échange d'une attitude plus "responsable" de Pékin sur une réévaluation du yuan, a expliqué mardi un haut diplomate européen. "Du côté européen, il y a une vraie volonté d'évoluer vers un rééquilibrage" en faveur des pays émergents en termes de gouvernance économique mondiale et de représentation dans les instances internationales, a-t-il indiqué. Les Européens sont disposés à se montrer "constructifs" sur la question. Cependant, "avec une représentation accrue viennent des responsabilités accrues", a-t-il argumenté, en référence à la demande répétée de l'Europe à la Chine pour qu'elle réévalue sa monnaie. "Toutes ces questions sont liées", a-t-il ajouté. L'Union européenne et la Chine se réunissent en sommet le 6 octobre à Bruxelles, après une rencontre plus large de dirigeants de 46 pays européens et asiatiques de l'ASEM (Dialogue Asie-Europe) les 4 et 5 octobre. Il compte actuellement 24 sièges. Mais comme les statuts du FMI prévoient 20 sièges uniquement, si aucun accord n'est trouvé pour maintenir l'exception qui permet d'en avoir 24, le conseil d'administration devrait revenir à ce total, forçant certains Etats membres à perdre l'administrateur qui les représentait. Les Etats-Unis espèrent un débat pour moderniser l'institution, avec en ligne de mire une possible réduction des sièges européens, actuellement au nombre de neuf.