Chose promise, chose due. Annoncée au mois de mars dernier par sa veuve et présidente de la fondation Alloula, Radja, l'œuvre complète du dramaturge Abdelkader Alloula vient d'être fraichement publiée aux éditions oranaises ; "Les trois pommes." Une petite maison qui, à peine huit ans d'âge, a débuté avec une spécialité assez rare, la publication des livres pour enfants. Dans cet ouvrage de 400 pages, on retrouve la totalité des pièces de Alloula disposées par ordre chronologique, des entretiens, des photos, ainsi que des réflexions autour des pièces de ce dramaturge qui verse souvent dans le théâtre populaire de la Halqua. Présenté en coffret de trois volumes, cet ouvrage a été édité avec le soutien du ministère de la Culture et le concours de la veuve et de la fille du regretté dramaturge, selon Jamila Rahal Bereksi ; directrice des éditions "Les 3 pommes". Authentique, le coffret a été édité en langue arabe dialectale, la langue dans laquelle le dramaturge tout autant que Kateb Yacine, travaillait ses pièces qui refusaient l'élitisme et qui barraient la route à la hiérarchie des classes. C'est la fondation éponyme qui a mis à la disposition de " Les trois pommes " une riche documentation, sur la base de laquelle a été élaborée cette œuvre nécessaire pour comprendre et l'histoire et le développement du 4ème art algérien ; lequel a débuté seulement vers le début du 20ème siècle. "Le plus généreux des gouals, Abdelkader Alloula, fut un flambeau et un étendard pour toute une génération d'Algériens", note Jamila Rahal dans son avant-propos. Il faut savoir que dans le premier tome, on retrouve des pièces comme "Laaleg", "El-Khobza" et "Hammam Rabi", le deuxième, celles de la trilogie "Lagoual"-"Lajouad"-"Lithem", alors que le troisième est consacré à "Homk Salim", à des adaptations de l'œuvre du romancier turc Aziz Nessin, à "Et-teffah" et à "Arlequin valet des deux maîtres". Une œuvre riche " Homk Salim " (la folie salutaire) est l'une des premières pièces de Alloula, elle est selon les spécialistes, la pièce à travers laquelle le dramaturge a su modeler son approche du théâtre. Réalisé en 1972, ce spectacle d'une heure 45 minutes est, selon les dires des spécialistes, un manifeste de " messages artistiques et sociaux ". Il faut rappeler que l'an dernier, Radja Alloula avait parlé d'un fonds documentaire composé de photos, de pièces théâtrales, d'articles de presse, d'une vidéothèque et d'autres archives " ouvert sur le site www.abdelkaderalloula.org. Selon elle ce projet cofinancé par l'Union européenne est presque finalisé, tandis que sa fondation " permet d'encourager et de soutenir les troupes et les coopératives théâtrales des jeunes à travers des projets de création et bien d'autres choses, afin de contribuer à la préservation de la Culture algérienne à travers le théâtre. " " Nous voulons faire connaître aux jeunes les oeuvres de Abdelkader Alloula et perpétuer ainsi son œuvre ", a souligné une directrice générale d'une galerie d'art, Nadia Zahraoui, qui compte adhérer à la fondation pour joindre son effort au plus qu'elle peut donner à la ville d'Oran. Né à ghazaouet (Tlemcen), Alloula est connu d'abord pour avoir joué sous la direction de Mustapha Kateb les enfants de la casbah ". Par les pièces comme " Lejouad " et "Arlequin ", Alloula avait affiné la gageure de parler vrai, considérant l'art comme un "déclencheur de prise de conscience ". C'est donc un théâtre engagé qu'a voulu fonder cet artiste qui puisait l'essentiel de son œuvre dans la tradition du Goual. Puisant dans cette tradition, Abdelkader Alloula a écrit une trilogie El-Agoual (Les Dires) 1980, El-Adjouad (Les Généreux) 1984, El-litham (Le Voile) 1989. Plusieurs universitaires et personnalités culturelles ont été invités à la séance de présentation du nouvel ouvrage programmé au Théâtre régional d'Oran (TRO). Rassemblée sous le titre " Les dires éclatés de 1980 à 1989 " l'omniprésence de la narration est prise en charge par le goual. Des chroniqueurs voient en Abdelkader Alloula "l'artiste complet " qui a tenté de refondre " la structure théâtrale ", toujours à l'écoute tant du public que "des petites gens ", avec comme moyens, la simplicité du verbe et le génie populaire, et comme unité de but " théâtraliser les faits " de société. Il faut savoir que le gros du théâtre de Alloula a été inspiré par la forme populaire de La Halqa. La Halqa étant considérée comme un espace ouvert dans lequel se rencontrent les gens, s'est transformée en un espace fermé après l'emploi de ses techniques dans le théâtre. "Elle est devenue une forme de théâtre", dont les précurseurs en Afrique du nord sont notamment, en Algérie, Kaki (Mostaganem) ou Abdelkader Alloula, Tayeb Seddiki ou encore Abdelkrim Berrachid, au Maroc. L'expérience de la Halqa en Algérie a débouché sur plusieurs œuvres théâtrales qui sont le résultat de recherches, telles que les pièces "El garrab oua salihine", la trilogie "goual", "Alajwad" et "litham", pour lesquelles les auteurs ont composé des drames en mixant la forme primaire de la Halqa, qui se distingue par la présence d'un "meddah" basé sur le conte, à une trame événementielle élaborée avec les techniques théâtrales modernes.