Le système bancaire de la zone euro semble à présent plus apte à se passer des coups de pouce de la BCE, sans pour autant que la situation soit redevenue normale sur le marché monétaire avec des taux interbancaires volatils et des problèmes de financement. La demande pour les financements à taux fixe et illimités de la BCE est retombée et les taux du marché interbancaires sont revenus à leurs niveaux précédant la crise financière de 2008. La valeur des prêts de la BCE aux banques est tombée à 450 milliards d'euros en janvier, au plus bas depuis octobre 2008. Un pic de plus de 900 milliards d'euros avait été atteint en juin 2010. "Le fait que la liquidité diminue semaine après semaine est très certainement un signe encourageant... mais ça ne dit rien sur la situation globale", constate Luca Cazzulani (UniCredit). De fait, tout au long de la période de reconstitution des réserves de janvier, durant laquelle les banques doivent conserver un montant de liquidités donné auprès de la banque centrale, le taux au jour le jour Eonia a varié de près d'un point, entre 0,347% et 1,318%. Par comparaison, durant le premier trimestre 2007, la variation moyenne de l'Eonia était de 12 points de base durant la période de reconstitution des réserves. Dans la mesure où une large gamme d'instruments financiers prennent pour base l'Eonia, cette volatilité rend les décisions de financement coûteuses et délicates sur l'ensemble du marché du crédit. "Si l'Eonia reste volatile, les gérants de trésorerie vont connaître des moments difficiles lorsqu'il s'agira de prendre la bonne décision", ajoute Luca Cazzulani. En définitive, si cela implique un coût, cela voudra dire que le coût de financement d'une banque augmente et que quelqu'un devra payer en fin de compte. Les problèmes structurels du marché monétaire sont mis en lumière par les banques devenues dépendantes des financements de la BCE, celles qui ne peuvent trouver à se refinancer sur le marché. On pense que, pour l'essentiel, ces banques se situent dans les pays de la zone euro où la dette souveraine pose problème, en l'espèce l'Irlande, le Portugal et la Grèce. Ces trois pays représentent 48% du total des emprunts auprès de la BCE, alors qu'ils ne comptent que pour 8,6% du total des actifs du système bancaire de la zone euro, observe Barclays Capital. Le président de la BCE Jean-Claude Trichet entend régler le problème des banques dépendantes mais les outils à sa disposition sont limités. Dans la mesure où la banque centrale fait pression pour mettre un terme à l'emprunt permanent auprès d'elle, la diminution de la liquidité excédentaire sur le marché tient pour l'essentiel aux seules banques capables de se désendetter le plus aisément, ce qui laisse la demande de fonds BCE persistante plus difficile à éliminer. "En théorie, ça paraît facile de se désendetter mais si c'était le cas, ces banques l'auraient sans doute déjà fait... Nous ne savons tout simplement pas quelle est la nature de leurs actifs", commente Peter Shaffrik (RBC Capital Markets). Des données récentes ont montré que les emprunts des banques portugaises auprès de la BCE n'avaient pas baissé en janvier par rapport aux 41 milliards d'euros de décembre. Revenir à un marché monétaire normalisé, tel qu'il l'était avant la crise de confiance entre banques de 2008, nécessitera plus qu'éponger l'excédent de liquidité. Un système bancaire plus consolidé composé d'établissements mieux capitalisés apparaît crucial pour la reprise du crédit interbancaire pour les régions de la zone euro les plus en difficulté. Il semble que l'Espagne soit à la pointe de la réforme bancaire, avec la refonte de son réseau de caisses d'épargne (cajas). Ailleurs, la réforme se révèle plus difficile. Une fois que les marchés auront la certitude que le processus est bien en route, la BCE pourra reprendre le contrôle de la masse monétaire en mettant un terme à ses opérations d'allocation illimitée et en renouant avec ses appels d'offres à taux variable et à allocation déterminée. "Tant que la BCE ne contrôle pas l'offre de liquidité, plutôt que les banques elles-mêmes, ce sera toujours bien instable, tant en termes de liquidité que de taux", pronostique Christoph Reiger (Commerzbank). Le retrait des mesures de liquidité sera l'un des thèmes majeurs de la réunion du 3 mars de la BCE et Trichet pourrait dire s'il juge que le moment est arrivé pour appliquer pas à pas une stratégie de sortie. Les taux des obligations des pays les plus fragiles de la zone euro sont demeurés à un niveau élevé vendredi au lendemain d'une journée marquée par de fortes tensions notamment sur le Portugal, tandis que les rendements des pays considérés comme "solides" se sont détendus. A 18H00, les taux portugais à 10 ans s'établissaient à 7,175% contre 7,164% la veille à la clôture. Dans la matinée de jeudi, ils avaient atteint un plus haut historique en séance à 7,636%. Dans leur sillage, les taux espagnols se tendaient à 5,354% contre 5,311% jeudi soir. Même tendance pour les taux grecs qui étaient à 11,371% contre 11,266%. "Aujourd'hui (vendredi, ndlr), nous assistons à une nouvelle appréciation des pays (notés) triple A, ce qui accroît l'écart avec les pays fragiles de la zone euro dont les rendements restent à des niveaux élevés", a commenté Cyril Regnat, stratégiste obligataire chez Natixis. Depuis le début de la semaine, les pays périphériques sont en effet sous pression notamment en raison des incertitudes qui pèsent sur l'évolution du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Cette tension a touché son point culminant jeudi: les taux portugais à 10 ans ont ainsi atteint un record en séance dans la matinée et seule l'intervention rapide de la Banque centrale européenne qui a acheté des titres du pays a permis aux rendements de décroître. Hors zone euro, le Gilt britannique se détendait à 3,866% contre 3,880% la veille. La semaine prochaine, l'Espagne sera surveillée par tous les investisseurs, deux adjudications sur 10 et 30 ans étant prévues. "Ce sont habituellement des papiers plus difficiles à placer et nous nous attendons à ce que l'Espagne rencontre quelques difficultés", a indiqué M. Regnat. Outre-Atlantique, le rendement du bon du Trésor à dix ans reculait à 3,649% contre 3,708% jeudi soir, et celui du bon à 30 ans à 4,717% contre 4,773% la veille. Les taux des échéances courtes (3 mois) reculaient à 0,11% contre 0,12%.