La crise économique et financière qui frappe le Portugal de plein fouet vient confirmer la dictature du système des marchés sur la politique des gouvernants et les risques pour la démocratie. Mario Soares, ancien président portugais, le dénonce. Il a consacré sa vie au combat pour la défense des valeurs démocratiques, et sa notoriété lui permet d'être une des voix les plus ouvertement critiques face à ce qu'il nomme " les monstres de notre temps ". Dans une récente interview accordée à un média on line souligne qu'avant tout c'est la domination de l'économie et des affaires sur la politique qui est une tragédie, pour quelque pays ou groupe de pays que ce soit. "Je pense que l'Union européenne vit aujourd'hui sa crise la plus grave. Ceux que j'appelle les monstres ce sont les marchés financiers, qui sont complètement déboussolé et ceux qui les contrôlent. Et c'est vrai ! Ce sont de véritables monstres : personne ne sait d'où ils viennent ni ce qu'ils veulent. On sait juste qu'ils veulent l'argent, qu'ils veulent attaquer l'euro, et s'en prendre à quelques pays comme le la Grèce , l'Irlande, le Portugal… et d'autres à venir. C'est gravissime, parce qu'on manque d'une réponse solidaire, qui aurait été nécessaire de la part de l'UE. Et les pays les plus riches pensent qu'ils peuvent se désolidariser et donner des ordres à l'Europe, comme c'est le cas pour les allemands et en particulier Madame Merkel qui voudrait " germaniser " l'Europe, mais elle se trompe de beaucoup ". Il estime que c'est une erreur et qu'en réalité, Madame Merkel se comporte en régisseur de l'Europe, ce qu'elle n'est pas. Ensuite, la France marche au pas de l'Allemagne, mais personne ne connaît réellement la politique de Sarkozy. " Il n'y a pas longtemps, il y a eu cette situation très embarrassante, quand il a envoyé des avions français pour bombarder la Libye ; ce qui a provoqué l'exode de millions d'immigrants d'Afrique du Nord vers Lampedusa en Italie. Quant Silvio Berlusconi a appelé à l'aide ses partenaires européens, la réponse de la France et d'autres pays a été : réglez vos problèmes seuls. Personne ne veut s'impliquer dans cette affaire. " Et pourtant, on a dans cette situation quelque chose qui est en train de corrompre complètement les fondations théoriques de l'Europe ", précise-t-il. Evoquant le véritable mal du système économique des pays, l'ancien président du Portugal explique qu'il y a un rapport entre le néolibéralisme et l'idée que c'est l'argent qui dirige le monde et les affaires. Et cette situation est née en Amérique, où elle est aussi en train de disparaître parce que le président Obama ! défend heureusement un nouveau modèle de développement économique. Aujourd'hui, tout le monde a compris que si l'on continue dans cette voie l'Europe n'aura pas d'avenir et deviendra un jour une sorte d'appendice malheureux de l'Asie. Défendant, un changement de modèle économique à l'instar du président américain, M. Soares déclare qu'on a besoin de savoir qui sont les responsables de la crise qui s'est abattue sur l'Europe entière et qui est en train de s'étendre au reste du monde. "On doit condamner, les juger. Laisser les responsables de la crise dans les banques, où ils continuent à gérer l'argent, continuer à leur donner de l'argent pour éviter la faillite des banques… C'est à l'envers ! ". D'après lui, si les choses se maintiennent ainsi, ce sera la fin du projet européen. " Il n'y a pas de doute. Mais je crois que de grandes réactions vont éclater et elles viendront de la population. Les peuples ne se révoltent pas seulement dans le monde musulman. On risque d'assister à de grandes révoltes au sein même de l'Europe, car les populations peuvent refuser ce qu'elle est à l'heure actuelle. L'Europe ce n'est pas ça. L'Europe c'est autre chose, un espace de dialogue, de bien-être social et de respect pour autrui ".