CE n'est plus une vague de concentration qui balaie le secteur des mines mais bien un tsunami qui menace les consommateurs de métaux, futurs otages de fournisseurs omnipotents. La nouvelle la plus spectaculaire de la semaine n'était pourtant pas fondée : BHP Billiton, le numéro un mondial du secteur n'a pas l'intention d'absorber le numéro trois, Rio Tinto. Les actions des deux groupes anglo-australiens ont bondi à Londres comme à Sydney pour mieux dégonfler dans les heures qui ont suivi le démenti. On ne perd rien pour attendre, d'autres gigantesques opérations sont en cours. Dans le secteur de l'aluminium le numéro un mondial Alcoa veut mettre la main sur le second, le canadien Alcan, et dans le secteur du nickel, le géant russe Norilsk a jeté son dévolu sur le canadien LionOre. A chaque fois la même dynamique est à l'œuvre : les groupes profitent des bénéfices record qu'ils ont engrangé grâce à l'embrasement du marché des non ferreux pour grossir au plus vite par crainte d'être englouti à leur tour. Sur le court terme, ces offres publiques d'achat qui font chavirer les Bourses d'actions n'ont pas d'incidences sur le prix des non ferreux puisqu'elles ne changent rien à l'équilibre entre l'offre et la demande, en revanche elles modifient durablement le rapport de force. Dans le cas de l'aluminium, les trois premiers producteurs contrôlaient moins de 20% de l'offre il y a dix ans, si le rapprochement Alcoa-Alcan aboutit, les trois premiers contrôleront alors près de 40% de l'offre. Déjà, les industriels s'inquiètent des situations de monopole qui pourraient en résulter, c'est à craindre pour certains aluminiums destinés à l'aéronautique. Ces nouveaux mastodontes confrontés à l'envolée des coûts de production et de développement vont certes réaliser des économies d'échelle, ce qui leur permettra d'augmenter leur offre, mais est-ce vraiment dans leur intérêt ? Si dans l'aluminium, le Chinois Chalco suit cette stratégie pour grignoter des parts de marché à la concurrence, ses adversaires devenus géants ont plutôt intérêt à garder la bride sur l'augmentation de la production pour éviter que les cours ne s'affaissent comme il est de rigueur quand l'offre dépasse la demande. Ils gagneront alors un sérieux avantage dans la fixation des prix, à l'instar des trois grands du fer qui dictent leurs prix à la sidérurgie. Soucieux de conserver leur rente de situation, ces titans deviendront peut-être les meilleurs agents de promotion de leurs métaux en finançant la recherche pour en maximiser l'emploi. Un scénario qui ne prévoit ni le ralentissement de la demande ni l'essoufflement des marchés. Le marché de l'aluminium s'est transformé énormément au cours des 15 dernières années et en voici une preuve: l'Association de l'aluminium du Canada se retrouvera avec un seul membre si Alcoa réussit à acheter Alcan. Une des conséquences directes de la fusion entre Alcoa et Alcan sera probablement la disparition de l'Association, reconnaît son président, Christian Van Houtte. "C'est une bonne question, mais je ne me la pose pas tout de suite", a-t-il dit, en évoquant les longues étapes à franchir avant la conclusion d'une éventuelle transaction. L'Association canadienne de l'aluminium, dont le siège social est à Montréal, a été fondée pour faire connaître l'industrie de l'aluminium et défendre les intérêts de ses membres. En même temps, de nouveaux producteurs d'aluminium ont vu le jour et prospéré ailleurs dans le monde, notamment en Chine et en Russie. Ces deux pays produisent aujourd'hui 30 % de l'aluminium consommé dans le monde.