De nombreux commerçants qui ont pignon sur rue à Constantine ont décidé de suspendre leurs activités habituelles pour s'adonner à la fabrication ou à la vente des sucreries sollicitées durant le mois de ramadhan, à savoir les "zlabia", "samsa", "m'guerg'chet" et autres "kalb ellouz". Cette mue des commerces est particulièrement constaté le long des ruelles de la vieille médina, notamment Souika et Rahbat Es-Souf, où des artisans de la chaussure, de l'habillement ou autres se transforment, subitement, le temps d'un mois, en échoppe de zlabia et autres pâtisseries traditionnelles. En spéculateurs avisés, ces commerçants savent multiplier leurs gains, en exploitant les caprices du Ramadhan qui s'emparent de la plupart des jeûneurs, en particulier les habitants du Vieux Rocher qui font montre d'un goût accusé pour la bonne zlabia et ses différentes variantes comme cette succulente pâtisserie orientale appelée communément " les doigts de la mariée ". Pour nombre d'entre eux, cette transformation ne constitue nullement un revirement opportuniste, ou un abandon de l'activité habituelle, mais simplement le respect d'une tradition, une fidélité même à un commerce "saisonnier". Le jeune Mohamed qui a appris la pâtisserie traditionnelle dans un centre de formation professionnelle, apprécie cette ambiance du mois de ramadhan et affirme ne pas ressentir la fatigue en s'adonnant à la préparation de la zlabia, passant allégrement du pétrin à la "friteuse" devant laquelle il est assis en tailleur, pour façonner, à l'aide d'un entonnoir en fer blanc, le cercle concentrique de la zlabya qui vire lentement, dans l'huile bouillante, du blanc au brun, puis au rouge grâce à un bain dit de "miel" mais qui est en fait composé de sucre, d'eau, de sucre vanillé et de colorant. Autrefois, la fabrication et la vente de la zlabia dans la ville des Ponts étaient exclusivement réservées à une corporation dominée par des artisans tunisiens que l'on appelait habituellement dans le jargon constantinois les "cherguis", soit, les orientaux. Ces mêmes artisans s'adonnaient à cette activité durant toute l'année. En dehors du mois de ramadhan, si la consommation de la zlabia diminue sensiblement, ils vendent pour le petit-déjeuner, des beignets chauds que l'on sort chercher tôt, comme certains font pour les croissants. A la fin du ramadhan, les commerces transformés en boutiques de zlabia vont retrouver leurs anciennes devantures. Friteuses, feux, conduites de gaz auront disparu, comme par enchantement. D'aucuns diront que le goût prononcé pour la zlabia durant le ramadhan n'est rien d'autre qu'un caprice de jeûneur qui, d'ailleurs, n'y touche presque pas après la rupture du jeûne, se contentant seulement de la voir trôner sur la table. Les commerçants semblent avoir bien compris ce statut emblématique de la zlabia qui reste de ce fait quasiment aussi "sacrée" que le Ramadhan, tant et si bien que l'on inventa récemment, une zlabia en semoule d'orge. Cette nouvelle variété fait succès actuellement et les amateurs n'hésitent pas à faire des dizaines de kilomètres pour l'acquérir.