Après la générale qui a eu lieu au théâtre de Constantine en juin dernier, "El Ajouad" (les généreux), la célèbre pièce d'Abdelkader Allouala, a fait l'ouverture des nuits ramadanesques au TRC, au troisième jour du mois sacré et pendant trois soirées. Signée par Mohamed-Tayeb Dehimi, cette nouvelle version qu'a financé le commissariat de " Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011" a bénéficié d'un casting des plus sérieux. Avec Ahcène Benaziez, Kamel Ferrad, Zoubir Izem, Aissa Redaf, Noureddine Merouani, Atika Belazma et autres, parmi les comédiens les plus rôdés et les plus mûres du TRC, cette pièce a permis de montrer ces comédiens sous leur plus beau jour, ils ont su rendre avec beaucoup de justesse de ton et de talent le texte de Alloula dans toutes ses nuances. Les jeunes qui ont eu des rôles plus ou moins secondaires, se sont également surpassés, hissés vers le haut par la puissance du texte et l'aura de son auteur. Mohamed Delloum qui vient d'être sacré "meilleur comédien montant", lors du dernier Festival de théâtre professionnel d'Alger, a "écopé" du rôle ardu de Djelloul El F'haimi. Il y a été superbe, selon un avis général, et fait honneur au défunt Sirat Boumediène qui avait incarné ce rôle dans la version originale. Il a d'ailleurs rappelé à beaucoup le souvenir de ce défunt grand comédien, étant brun comme lui et parlant avec l'accent oranais "gardé par souci de fidélité au texte". Jouée une première fois en l'an 1985 au théâtre d'Oran, cette pièce a semblé, au spectateur, faire renaitre le dramaturge et presque le faire surgir de derrière les rideaux de la scène. Voulant à tout prix donner une autre âme à la pièce, Mohamed Tayeb-Dehimi ne semble pas y parvenir, et pourtant il dit avoir adopté le texte et non pas la vision de son auteur en matière de mise en scène. Confié à Aïssa Redaf, scénographe attitré du TRC, la scénographie, estiment certains, ressemblerait à l'ancienne version tandis que selon d'autres, le metteur en scène a réussi à actualiser cette pièce qu'il a réduite de près de moitié (à 1 heure 50 de spectacle au lieu des 3 heures. Lors de la générale qui s'est déroulée en juin dernier au TRC et selon certains avis à ce moment là, la nouvelle mise en scène importe moins que ce qu'elle a apporté sur d'autres plans, comme d'avoir osé s'attaquer à une citadelle nommée Alloula avec les moyens du bord et sans tomber dans le populisme de mauvais goût. D'ailleurs, le remake de cette pièce, confié au Théâtre de Constantine par le commissariat de la manifestation "Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011", a été précédé par des "remous" et des appréhensions qui ont failli compromettre sa sortie. Au départ c'était l'homme de théâtre algérien vivant à l'étranger, El Hachemi Noureddine qui devait assurer sa mise en scène, mais celui-ci, après une période d'essai, s'est désisté, arguant ne pas avoir trouvé, au TRC, les conditions nécessaires pour mener à bien son travail. Dehimi a dû "relever le défi" de reprendre la pièce, laissée en chantier, et la monter dans un délai d'un mois et demi pour une œuvre dont le montage a demandé six mois et demi de travail à son auteur. Il a dû, également faire avec les moyens du bord et former son équipe avec des éléments exclusivement locaux, comédiens et techniciens permanents ou collaborateurs du TRC. Un choix qui a motivé les anciens et les jeunes comédiens qui se sont surpassés pour donner le meilleur d'eux-mêmes, et être à la hauteur d'un texte majeur comme "El Adjouad". Il faut savoir que par les pièces comme El-Ajoued " et " Arlequin ", Alloula avait affiné la gageure de parler vrai, considérant l'art comme un "déclencheur de prise de conscience ". C'est donc un théâtre engagé qu'a voulu fonder cet artiste qui puisait l'essentiel de son œuvre dans la tradition du Goual. Puisant dans cette tradition, Abdelkader Alloula a écrit une trilogie El-Agoual (Les Dires) 1980, El-Adjouad (Les Généreux) 1984, El-litham (Le Voile) 1989. Rassemblée sous le titre " Les dires éclatés de 1980 à 1989 " l'omniprésence de la narration est prise en charge par le goual. Des chroniqueurs voient en Abdelkader Alloula " l'artiste complet " qui a tenté de refondre " la structure théâtrale ", toujours à l'écoute tant du public que "des petites gens ", avec comme moyens la simplicité du verbe et le génie populaire. Au TRC, plus de musique que de théâtre La direction du Théâtre régional de Constantine semble privilégier, d'après son programme spécial nuits du Ramadhan, la chose lyrique aux planches. C'est ainsi que juste après " El Adouad", il a été prévue, toujours en matière de théâtre, trois autres pièces à savoir, " Tempête dans un verre d'eau " du TR Annaba, " El Halladj " du TR Batna et "Fousha" de l'association El Belliri de Constantine. Phénomène qu'on voit de plus en plus, les institutions théâtrales sont quasiment inondées quelque soit la période par des décibels, étouffant ainsi une expression artistique qui peine déjà à retrouver son public perdu. De la musique, il y en aura donc tout au long de ces soirées ramadanesque et pour tous les goûts. De l'andalous au Aïssaoua en passant par l'Inchad, pas mal de répertoires seront revisités à cette occasion. En plus du traditionnel festival de la musique Aissaoua qui se déroule pendant le mois sacré, de nombreux chanteurs, connus ou pas, viendront de partout pour animer des soirées au TRC mais aussi à quelques encablures de la ville des Ponts. De nombreux convives comme les associations de la musique andalous d'Alger, d'Oran, de Mostaganem, de Mascara et d'autres villes du pays sont attendus pour les longues soirées du ramadhan.