16 ans après sa disparition, Abdelkader Alloula a ressuscité dans le vieux théâtre de Constantine à travers sa pièce, "El Adjouad " (Les généreux) dans une nouvelle version signée, Mohamed-Tayeb Dehimi. Financée par le commissariat de " Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011", cette pièce jouée, une première fois en 85 au théâtre d'Oran, a semblé au spectateur faire renaitre le dramaturge et presque le faire surgir de derrière les rideaux de la scène. Voulant à tout prix donner une autre âme à la pièce, Mohamed Tayeb-Dehimi ne semble pas y parvenir, et pourtant il dit avoir adopté le texte et non pas la vision de son auteur en matière de mise en scène. Confié à Aissa Redaf, scénographe attitré du TRC, la scénographie estiment certains, ressemblerait à l'ancienne version tandis que selon certains, le metteur en scéne a réussi à actualiser cette pièce qu'il a réduite de près de moitié (à 1 heure 50 de spectacle au lieu des 3 heures originelles). Selon certains avis, la nouvelle mise en scène importe moins que ce qu'elle a apporté sur d'autres plans, comme d'avoir osé s'attaquer à une citadelle nommée Alloula avec les moyens du bord et sans tomber dans le populisme de mauvais goût. D'ailleurs, le remake de cette pièce, confié au théâtre de Constantine par le commissariat de la manifestation "Tlemcen capitale de la culture islamique 2011", a été précédé par des "remous" et des appréhensions qui ont failli compromettre sa sortie. Au départ c'était l'homme de théâtre algérien vivant à l'étranger, El Hachemi Noureddine qui devait assurer sa mise en scène mais celui-ci, après une période d'essai, s'est désisté, arguant ne pas avoir trouvé, au TRC, les conditions nécessaires pour mener à bien son travail. Dehimi a dû "relever le défi" de reprendre la pièce, laissée en chantier, et la monter dans un délai d'un mois et demi pour une œuvre dont le montage a demandé six mois et demi de travail à son auteur. Il a dû également faire avec les moyens du bord et former son équipe avec des éléments exclusivement locaux, comédiens et techniciens permanents ou collaborateurs du TRC. Un choix qui a motivé les anciens et les jeunes comédiens qui se sont surpassés pour donner le meilleur d'eux-mêmes, et être à la hauteur d'un texte majeur comme "El Adjouad". Les comédiens se sont surpassés Les Ahcène Benaziez, Kamel Ferrad, Zoubir Izem, Aissa Redaf, Noureddine Merouani, Atika Belazma et autres, parmi les comédiens les plus rôdés et les plus mûrs du TRC, se sont montrés, dans ce travail, sous leur plus beau jour et ont su rendre avec beaucoup de justesse de ton et de talent le texte de Alloula dans toutes ses nuances. Les jeunes qui ont eu des rôles plus ou moins secondaires, se sont également surpassés, hissés vers le haut par la puissance du texte et l'aura de son auteur. Mohamed Delloum qui vient d'être sacré "meilleur comédien montant", lors du dernier festival de théâtre professionnel d'Alger, a "écopé" du rôle ardu de Djelloul El F'haimi. Il y a été superbe, selon un avis général, et fait honneur au défunt Sirat Boumediène qui avait incarné ce rôle dans la version originale. Il a d'ailleurs rappelé à beaucoup le souvenir de ce défunt grand comédien, étant brun comme lui et parlant avec l'accent oranais "gardé par souci de fidélité au texte". En partant avec cette équipe de locaux à l'assaut de cette citadelle qu'est "El Adjouad", un texte si "fusionnel" avec son auteur qu'il était difficilement imaginable qu'un autre puisse le sortir de son moule sans le casser et le dénaturer, Tayeb Dehimi a franchi le pas et mérite, selon tous les spectateurs qui ont assisté au remake, "un grand bravo". Il faut rappeler qu'en 2009, la fondation Abdelkader-Alloula que préside Raja Alloula a rassemblé un fonds documentaire assez riche qui concerne le parcours ainsi que la vie du défunt dramaturge assassiné. Alloula est connu d'abord pour avoir joué sous la direction de Mustapha Kateb " les enfants de la casbah " . Par les pièces comme Ledjouad " et " Arlequin ", Alloula avait affiné la gageure de parler vrai, considérant l'art comme un "déclencheur de prise de conscience ". C'est donc un théâtre engagé qu'a voulu fonder cet artiste qui puisait l'essentiel de son œuvre dans la tradition du Goual. Puisant dans cette tradition, Abdelkader Alloula a écrit une trilogie El-Agoual (Les Dires) 1980, El-Adjouad (Les Généreux) 1984, El-litham (Le Voile) 1989. Rassemblée sous le titre " Les dires éclatés de 1980 à 1989 " l'omniprésence de la narration est prise en charge par le goual. Des chroniqueurs voient en Abdelkader Alloula " l'artiste complet " qui a tenté de refondre " la structure théâtrale ", toujours à l'écoute tant du public que "des petites gens ", avec comme moyens la simplicité du verbe et le génie populaire.