Le prochain Conseil européen des 21et 22 juin aura pour mission d'indiquer la voie pour dépasser l'impasse constitutionnelle dans laquelle l'Europe est désormais ancrée depuis les "non" français et néerlandais au référendum sur le traité constitutionnel. Il devra notamment établir le contenu du mandat de la conférence intergouvernementale qui travaillera sur la rédaction d'un nouveau texte. Une décision fondamentale à prendre puisqu'un mandat large et non clairement défini pourrait mener à la réouverture de discussions et négociations sur les principales innovations déjà introduites et approuvées par l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement européens lors de la signature du traité constitutionnel à Rome en octobre 2004. Partant de ce constat, plusieurs décideurs ont tenté de relancer l'idée d'une Europe à plusieurs vitesses, concept dont tout le monde parle mais dont l'usage reste encore jusqu'à présent limité. Le constat : une Europe scindée en deux camps opposés quant à l'avenir constitutionnel de l'Union Toutefois, les divisions entre les Etats membres sur la voie à suivre pour dépasser cette impasse et relancer le traité constitutionnel divergent considérablement. D'un côté, on retouve le groupe " des amis de la Constitution " composé par tous les pays ayant déjà ratifié le traité constitutionnel, soit par voie parlementaire, soit par voie référendaire, qui n'acceptent pas des bouleversement du traité. Ces derniers refusent l'idée de tout changement qui pourrait vider le texte de la substance des principales innovations contenues dans le texte actuel comme : la création du poste de ministre des Affaires étrangères de l'UE, la présidence stable du Conseil, la personnalité juridique de l'Union européenne et la Charte des droits fondamentaux. Il faut, disent-ils, " prêter attention aux dix-huit pays qui ont ratifié la Constitution et qui représentent la majorité absoute des Etats membres " et pas seulement à ceux qui s'éloignent aujourd'hui de l'Europe. Jan Peter Balkenende, Premier ministre des Pays-basLe Premier ministre néerlandais, dont le pays a rejetté le traité constitutionnel en 2005, compte bien sur l'adoption d'un traité minimum et aimerait voir certains éléments de la version actuelle modifiés dans le futur texte. De l'autre côté, les Etats qui n'ont pas encore ratifié le traité ou qui l'ont rejeté par voie référendaire demandent des changements substantiels, soit pour justifier une nouvelle proposition du texte aux électeurs soit pour éviter la voie référendaire et faire adopter le nouveau texte par voie parlementaire. Ainsi, des pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas ont déjà fait connaître très clairement leurs requêtes : absence de la personnalité juridique de l'Union européenne, déplacement de la Charte des droits fondamentaux. Le Royaume-Uni refuse notamment l'introduction de la majorité qualifiée dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieurs ainsi que la suppression de la structure dite en piliers de l'UE (pilier communautaire (communautés européennes) / Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) / Justice et Affaires intérieures (JAI)) sur laquelle est basé l'actuel traité de Nice, prévu dans le texte constitutionnel. Evidemment les positions apparaissent éloignées et les principales requêtes du second groupe de pays constituent de véritables " red line " (positions sur lesquelles ils ne sont prêts à aucune concession) pour beaucoup des autres pays du premier groupe. L'Europe est de nouveau à la veille d'une énième tentative de réalisation d'un difficile accord qui permettrait d'éviter une énième crise politique. La mission de la présidence allemande s'annonce difficle sachant que l'itinéraire à prendre est incertain, que l'équipage à bord reste divisé et que les conditions météorologiques sont très perturbées. Dans ce cadre, la solution envisagée par certain pays membres pour éviter un compromis à la baisse, par rapport aux innovations concordées dans le texte constitutionnel, est d'avancer à deux vitesses.