Ali le Chimique, cousin de Saddam Hussein, et deux autres hauts responsables de l'ancien régime irakien ont été condamnés à mort dimanche par le Haut tribunal pénal irakien pour le massacre de 182.000 Kurdes en 1988. Ces anciens responsables étaient jugés avec trois autres accusés pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis lors d'une campagne d'exécutions de masse et de bombardements chimiques menée au Kurdistan irakien, dans le nord du pays, et baptisée opérations "Anfal". Principal accusé du procès, Hassan al-Majid, dit "Ali le Chimique", a été condamné à mort par pendaison. L'ancien ministre irakien de la Défense, Sultan Hachim al-Tai, et Hussein Rachid al-Tikriti, ancien directeur-adjoint des opérations militaires en Irak, ont eux aussi été condamnés à la peine capitale. Au total, six accusés comparaissaient devant le Haut tribunal pénal irakien, une juridiction spécialement créée pour juger les responsables de l'ancien régime. Le Parquet avait requis en avril la peine capitale contre cinq d'entre eux. Deux des accusés, Farhan al-Joubouri et Sabir al-Douri, deux anciens dirigeants des puissants services de renseignements militaires, ont été condamnés à la prison à vie. Comme l'avait demandé le Parquet, le tribunal a abandonné les charges contre le sixième accusé, Taher al-Ani, ancien gouverneur de Mossoul (nord de l'Irak), pour "manque de preuves". Au cours de ce procès qui s'était ouvert le 21 août 2006, les accusés avaient expliqué pour leur défense que les opérations Anfal constituaient un exemple classique de lutte anti-guérilla, dans le cadre de la guerre ayant opposé l'Irak à l'Iran entre 1980 et 1988. "Ali le Chimique" avait ouvertement reconnu avoir ordonné le recours à l'arme chimique pour gazer des Kurdes: "C'est moi qui ai donné les ordres à l'armée pour détruire des villages et reloger les villageois", avait-il dit, affirmant à plusieurs reprises ne pas avoir commis d'"erreur". En janvier, les poursuites contre Saddam Hussein avaient été officiellement abandonnées, après l'exécution par pendaison le 30 décembre 2006 de l'ex-raïs, condamné dans une autre affaire pour son rôle dans la mort de 148 villageois chiites dans les années 1980 à Doujaïl, au nord de Bagdad. Deux jours avant l'annonce du verdict du procès Anfal, l'organisation américaine Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport dénonçant de graves erreurs commises par le Haut tribunal pénal irakien lors de la condamnation de Saddam Hussein à la peine de mort pour crimes contre l'humanité. S'appuyant sur les 300 pages du verdict et l'analyse du procès, HRW affirme que la condamnation de l'ancien dictateur pour le massacre de Doujaïl "témoigne de graves erreurs factuelles et juridiques faites par le Haut tribunal pénal irakien". Le verdict a été clairement "fondé plutôt sur des suppositions que sur des faits", a déclaré vendredi Richard Dicker, directeur du programme Justice internationale à Human Rights Watch. Selon lui, cela "suscite des inquiétudes sur une éventuelle répétition de ces erreurs dans le jugement de l'affaire Anfal". Durant le procès Anfal, des dizaines de témoins ont détaillé les atrocités (armes chimiques, tortures, viols, exécutions sommaires) commises contre les populations kurdes. Entendu comme témoin, Khudhur Qadir Mohammed, un ancien peshmerga (combattant kurde), né en 1970, avait raconté le bombardement chimique de son village par l'aviation irakienne, en mai 1988, puis sa capture en novembre de la même année. "J'ai été conduit avec d'autres détenus devant une tranchée, et un peloton d'exécution a ouvert le feu sur nous. J'ai été protégé des balles par les corps de mes compatriotes et j'ai feint d'être mort", avait-il raconté.