La zone euro met la dernière main au deuxième plan d'aide en faveur de la Grèce afin que les ministres des Finances puissent l'approuver lundi prochain, mais l'espoir d'un déblocage de la situation n'a pas dissipé les tensions entre Athènes et Berlin. "Nous y sommes presque. À moins que quelqu'un ne vienne avec une idée susceptible de faire capoter tout l'accord, il devrait être approuvé lundi", a dit, avant-hier, un responsable européen. L'accent serait mis à la fois sur la manière dont le pays va hiérarchiser ses échéances de remboursement et sur les moyens de garantir qu'Athènes mettra bien en œuvre les réformes promises. Athènes et ses céanciers internationaux sont parvenus à un accord sur les moyens de réduire cette année les dépenses budgétaires de 325 millions d'euros, ce qui lève l'un des derniers obstacles, avait-on appris un peu plus tôt de sources gouvernementales grecques. "Cent millions d'euros proviendront d'une réduction des dépenses d'exploitation du ministère de la Défense et 90 millions environ en réduisant certains traitements de la fonction publique plus tôt que prévu", a-t-on précisé. "Les 135 millions d'euros restants proviendront de réductions additionnelles des dépenses d'exploitation des ministères de l'Intérieur, de la Santé et du Travail. Les économies du ministère du Travail pourraient être liées à une réduction des pensions de retraite." Une autre source gouvernementale a confirmé la répartition. La méfiance persistante affichée par l'Allemagne et d'autres pays européens notés "AAA" comme la Finlande ou les Pays-Bas envers les promesses des autorités grecques en ce qui concerne la réduction de la dette a donné lieu à une vive réplique du président grec, Karolos Papoulias. "Qui est m. Schäuble pour insulter la Grèce ?" Le chef de l'Etat, âgé de 82 ans, ancien résistant à l'occupation nazie en Grèce, s'en est pris mercredi au ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, qui a comparé son pays à un puits sans fonds. "Je ne peux pas accepter que M. Schaüble insulte mon pays", a déclaré Karolos Papoulias au cours d'un discours prononcé au ministère de la Défense. "Qui est M. Schäuble pour insulter la Grèce ? Qui sont les Néerlandais ? Qui sont les Finlandais ?" Il est très rare en Grèce que le chef de l'Etat s'immisce dans des controverses internationales, lui qui a pour habitude de rester au-dessus du débat politique au jour le jour. La presse grecque n'était pas en reste, avant-hier, le journal conservateur Eleftheros Typos évoquant dans un titre "la junte Schaüble", allusion au régime militaire des "colonels" qui dirigea la Grèce de 1967 à 1974. "La confiance est effectivement tombée au plus bas", observe le ministre néerlandais des Finances, Jan Kees De Jager, dans une interview accordée au Het Financieele Dagblad. Evangelos Vénizélos, ministre grec des Finances, a annoncé mercredi soir un accord gouvernemental sur des mesures d'économies supplémentaires d'un montant de 325 millions d'euros, assurant que son pays avait désormais rempli toutes les conditions posées par ses bailleurs de fonds - Union européenne, FMI, Banque centrale européenne - à l'octroi d'une nouvelle aide. Il a ainsi estimé que la Grèce pourrait annoncer lundi prochain un accord sur l'échange de dettes avec ses créanciers privés, si les ministres de la zone euro qui se réuniront ce jour-là décident de débloquer l'enveloppe de 130 milliards. Cet échange de titres obligataires entre la Grèce et ses créanciers privés prévoit que ces derniers acceptent une perte de valeur nominale de 50% permettant de réduire la dette grecque de 100 milliards d'euros. De sources proches de la zone euro, on précise que la BCE va échanger ses obligations grecques contre de nouveaux titres ce week-end, c'est-à-dire avant l'échange qui concernera les créanciers privés, ce qui lui permettra d'éviter de subir des pertes. Un paiement différé "plus à l'ordre du jour" Des informations faisant état de la possibilité de différer le paiement d'une partie des 130 milliards d'euros après les élections législatives prévues en avril dans le pays, ont fait tomber l'euro à son plus bas niveau depuis trois semaines contre le dollar dans les transactions matinales. De source gouvernementale allemande, on disait toutefois, avant-hier, que les propositions visant à accorder un crédit-relais à la Grèce pour couvrir ses obligations de remboursement immédiates, tout en retenant le reste de l'aide jusqu'après les élections d'avril, n'étaient plus à l'ordre du jour. Les discussions concernant un report pourraient en fait avoir eu pour objectif principal d'accroître la pression sur Athènes afin que les partis politiques s'engagent résolument à mettre en œuvre le plan, quels que soient les résultats des élections en avril. Le conservateur Antonis Samaras, chef de file de la Nouvelle Démocratie et favori des sondages, a adressé mercredi une lettre à l'UE et au FMI dans laquelle il s'engage à mettre en œuvre les nouvelles mesures d'austérité, une des autres conditions posées par l'UE pour débloquer son aide. Mais il ajoute que des "modifications de politique économique" pourraient être requises pour stimuler la croissance dans le pays, qui entre dans sa quatrième année de récession. Une enquête de l'institut VRPC place Nouvelle Démocratie largement en tête avec 27,5% des suffrages, contre 30,5% en janvier. Le Parti de la gauche démocratique, nouvellement créé, recueillerait 16%, davantage que les socialistes du Pasok. Les gouverneurs de la BCE ont voté sur un échange des titres grecs La Banque centrale européenne (BCE) a soumis, avant-hier, au vote de ses gouverneurs une opération d'échange des obligations grecques en sa possession contre de nouveaux titres, a-t-on appris, hier, de source proche du dossier. La BCE se refuse à tout commentaire sur le sujet. Le quotidien allemand Die Welt rapportait toutefois, avant-hier, que l'opération d'échange avait été avalisée et était en cours. Le président de la Banque centrale allemande (Bundesbank) Jens Weidmann a voté contre le projet. L'échange de ses obligations évite à la BCE de se mettre sous le coup d'une loi en préparation à Athènes qui prévoit d'obliger tous ses créanciers à renoncer à une partie de leurs avoirs grecs. Elle permettra aussi potentiellement à l'institution de réaliser des plus-values. En effet l'échange se ferait sur la base de la valeur nominale des titres (estimée à 45 à 50 milliards d'euros), alors que la BCE les a achetés moins cher sur le marché en 2010, avec une décote supposée de 70% à 80%. La plus-value ainsi générée serait redistribuée aux pays de la zone euro, et pourrait profiter in fine à la Grèce. Mais pour M. Weidmann, en agissant ainsi la BCE s'expose à une plainte des créanciers privés de la Grèce, qui seront eux contraints d'essuyer une perte. En outre, il juge que cela pourrait entraîner une méfiance des investisseurs envers la zone euro toute entière, par crainte qu'une telle initiative ne soit également prise pour les autres obligations en possession de la BCE. L'institution a également racheté ces derniers mois de la dette portugaise, irlandaise, espagnole et italienne en vertu de son programme de rachat de dette publique de pays en difficulté sur le marché secondaire. Les créanciers privés de la Grèce ont accepté un effacement de 100 milliards de dette grecque, pour aider le pays à redresser ses finances. Un plan auquel la BCE s'est toujours refusé à prendre part. Mais la pression s'est faite importante ces dernières semaines pour qu'elle consente un geste alors que la contribution volontaire des créanciers privés risque de s'avérer insuffisante. La semaine dernière, le président de la BCE Mario Draghi avait laissé entendre que la BCE était prête à redistribuer les profits qu'elle pouvait réaliser sur ces obligations aux membres de la zone euro, mais qu'en aucun cas elle ne consentirait à des pertes. L'échange impliquant les banques centrales devrait avoir lieu ce week-end, ont ajouté le sources. Une source a souligné que cette mesure était d'ordre purement technique et que les termes de nouveaux titres seraient identiques à ceux des anciens. La Banque centrale européenne (BCE) a refusé de commenter cette information. Selon des sources de la zone euro, la BCE compte environ 50 milliards d'euros de dette grecque dans son bilan dans le cadre de son programme de rachats d'obligations ('Securities Market Programme') lancé en mai 2010.