Les pays de l'Union européenne n'ont pas réussi à se mettre d'accord, avant-hier, sur un projet qui classerait le pétrole issu des sables bitumineux dans une catégorie très polluante, une perspective fortement contestée par le Canada et les groupes pétroliers. Aucune majorité qualifiée ne s'est dégagée parmi les 345 représentants des 27 Etats de l'UE appelés à se prononcer sur les modalités de mise en oeuvre de la directive sur la qualité des carburants adoptée en 2008, a annoncé un porte-parole de la Commission européenne. De ce fait, ce dossier, très technique et politiquement sensible, a été renvoyé aux ministres de l'Environnement de l'UE qui se réuniront en juin. S'ils l'approuvent, il sera ensuite soumis au Parlement européen. Les représentants des principaux pays (Allemagne, France, Royaume-Uni) se sont abstenus tandis que l'Italie a voté contre et que plusieurs nations scandinaves comme la Suède ont voté pour, selon un diplomate. Très engagée dans la défense de la proposition, la commissaire européenne à l'Action pour le climat, Connie Hedegaard, a déclaré avoir craint un rejet de la proposition par les experts en raison de toutes les actions de lobbying engagées pour la combattre auprès de l'exécutif bruxellois. Je suis satisfaite que cela n'ait pas été le cas (...) J'espère que les gouvernements vont réaliser qu'il est nécessaire de prendre en compte les émissions bien plus élevées des carburants non conventionnels, a déclaré la commissaire danoise. Elle avait mis en cause à plusieurs reprises le lobbying du Canada et des grandes compagnies pétrolières contre la directive qui doit fixer une valeur d'émissions de gaz à effet de serre à chaque source de carburant. Ces coefficients désavantagent les hydrocarbures non conventionnels, dont l'extraction, lourde et difficile, nécessite une forte quantité d'énergie. Les émissions liées à l'extraction de sable bitumineux sont ainsi estimées à 107 grammes d'équivalent CO2 par mégajoule contre 87,5 g pour le pétrole brut. Principal opposant à ce projet, le Canada s'est réjoui, avant-hier, que de nombreux pays de l'UE se soient opposés à cette mesure discriminatoire. Son ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, a de nouveau averti que si l'UE allait de l'avant avec l'exécution de sa directive ou de toute autre mesure injustifiée et discriminatoire, le Canada n'hésiterait pas à défendre ses intérêts. Ottawa a déjà évoqué un possible recours devant l'Organisation mondiale du commerce. Le Canada estime que le projet européen est sans fondement scientifique et affirme que les sables bitumineux n'émettent pas davantage de gaz à effet de serre que plusieurs bruts qui sont actuellement importés et quotidiennement utilisés dans les pays de l'UE, selon M. Oliver. Pour Darek Urbaniak, de l'organisation écologique des Amis de la Terre, les pressions extrêmes des Canadiens et des lobbies pétroliers font que nous avons manqué une occasion de laisser les carburants très polluants hors d'Europe. Greenpeace a pour sa part appelé les ministres (européens) à faire front face à l'industrie pétrolière et bannir d'Europe les hydrocarbures les plus polluants. La province canadienne de l'Alberta est, avec le Venezuela, le principal producteur de pétrole tiré des sables bitumineux mais n'en exporte pas directement vers l'UE. La production au Canada est appelée à tripler d'ici à 2020, ce qui pousse à la construction de nouveaux pipelines, notamment vers les Etats-Unis, à laquelle s'opposent des organisations écologistes. De grands groupes pétroliers européens, comme Shell, BP ou Total, ont investi dans des projets au Canada.