Les cours du pétrole ont plongé, avant-hier, sous le seuil symbolique des 100 dollars à la clôture à New York, plombés par le ralentissement des créations d'emplois aux Etats-Unis qui suscite de vives craintes pour la demande dans le premier pays consommateur d'or noir. Le baril de light sweet crude pour livraison en juin a fini en baisse de 4,05 dollars par rapport à la veille, à 98,49 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), à son plus bas depuis le 6 février. Dans un marché déjà nettement baissier cette semaine, les cours du brut ont brutalement décroché dès l'ouverture, à la suite de la publication d'un rapport mensuel officiel sur l'emploi aux Etats-Unis très attendu par les courtiers qui a fait état d'un net ralentissement des créations d'emplois, que les observateurs n'avaient pas anticipé. Les prix du pétrole new-yorkais n'avaient pas connu une telle chute depuis le 14 décembre 2011. Ils avaient alors plongé de 5,19 dollars au cours de la séance. Les cours ont cédé à la très forte pression exercée par de très faibles chiffres sur l'emploi, qui ont semé le doute sur la solidité de l'économie américaine, dans un contexte de demande déjà atone dans le premier consommateur de brut au monde, a commenté James Williams, de WTRG Economics. Si le taux de chômage officiel a baissé de 0,1 point de 8,2% à 8,1% en mars, ce chiffre reflétait surtout pour les analystes la baisse de la population active, l'économie américaine ne créant que 115 000 emplois de plus qu'elle n'en a détruit en avril, contre 162 000 créations d'emploi nettes attendues. En effet, ces chiffres font très peur aux courtiers car historiquement, dès que l'économie est affaiblie, les prix du brut s'effondrent, a continué l'expert. Dans le sillage des marchés actions, les prix du brut ont ainsi plongé dès la première partie de la séance new-yorkaise, cassant sous le seuil des 100 dollars, le dernier rempart qui, une fois dépassé, a précipité la chute du marché, a commenté Phil Flynn de P-DG Economics. Par ailleurs, l'offre en brut n'a jamais été aussi abondante aux Etats-Unis depuis vingt-deux ans. Les stocks de brut américain, qui ont gonflé de près de 30 millions de barils en six semaines, sont désormais à leur plus haut niveau depuis septembre 1990, ont souligné les experts de Commerzbank. En outre, on a aussi reçu des nouvelles au sujet de l'oléoduc Keystone, ce qui pèse sur les prix, a ajouté le courtier de PFG Best, se référant à l'oléoduc géant controversé Keystone XL entre les Etats-Unis et le Canada, dont la construction a été suspendue en janvier par le président Barack Obama en raison d'inquiétudes au sujet de l'environnement. Le gouvernement américain a annoncé vendredi avoir reçu une nouvelle demande de permis d'un groupe Transcanada pour le tronçon nord du projet Keystone XL entre les Etats du Montana (nord-ouest) et du Nebraska (centre). Enfin, les élections en France et en Grèce ce week-end vont être observées de près par les courtiers, qui s'attendent à un nouveau gouvernement en France et à davantage d'incertitude en Grèce, ce qui ajoute à l'anxiété du marché, a noté Andy Lipow, de Lipow Oil Associates. Chute des prix en Europe Les cours du pétrole chutaient lourdement en fin d'échanges européens, plombés par le ralentissement inattendu des embauches aux Etats-Unis, qui a alimenté des inquiétudes sur la vigueur de la reprise de la première économie mondiale, la plus gourmande en brut. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin s'échangeait à 112,62 dollars, perdant 3,46 dollars par rapport à la clôture de la veille. Le cours du Brent est tombé à 111,76 dollars en cours de séance, à son plus bas niveau depuis trois mois. "Le brut a été laminé sur les marchés cette semaine, enregistrant sa perte hebdomadaire la plus importante depuis septembre", relevait Craig Erlam, analyste chez Alpari UK. Les cours de l'or noir étaient pénalisés depuis la veille par des déclarations du secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), selon lequel les pays producteurs souhaitent que les prix reviennent à des niveaux soutenables pour les pays consommateurs. Mais l'annonce vendredi d'un net ralentissement, que les observateurs n'avaient pas anticipé, des créations d'emplois aux Etats-Unis en avril ont considérablement accentué la pression sur les cours. "Les prix du brut ont lourdement chuté vendredi du fait d'une augmentation des craintes de ralentissement de la croissance mondiale", notait Michael Hewson, analyste chez CMC Markets. "Les indicateurs américains moroses publiés ces derniers jours renforcent les doutes sur la reprise de la demande pétrolière des Etats-Unis, le premier consommateur mondial, et l'ampleur des stocks pétroliers dans le pays contribue à accentuer la pression sur les prix", observaient les analystes de Commerzbank. Le rapport hebdomadaire du département américain de l'Energie (DoE) avait fait mercredi l'effet d'une douche froide pour le marché, en faisant état d'une nouvelle forte augmentation des stocks de brut aux Etats-Unis la semaine dernière. Aux inquiétudes sur la santé de l'économie américaine s'ajoutaient un mauvais indicateur européen. En effet, l'activité du secteur privé s'est contractée plus fortement que prévu en avril dans la zone euro, selon une deuxième estimation vendredi de l'indice PMI, laissant penser que les pays de l'Union monétaire pourraient être en récession plus longtemps qu'attendu.
Le brut rebondit en Asie Les cours du pétrole rebondissaient, avant-hier, en Asie sans toutefois récupérer les fortes pertes enregistrées la veille à New York dans un marché en attente des chiffres sur l'emploi en avril aux Etats-Unis, le premier pays consommateur de brut. Après avoir reculé de près de trois dollars la veille, le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en juin s'appréciait de 13 cents à 102,67 dollars US dans les échanges matinaux. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin gagnait 17 cents à 116,25 dollars. Les marchés ont violemment réagi la veille au ralentissement de la hausse de l'activité dans les services aux Etats-Unis pour le deuxième mois de suite en avril, selon l'indice des directeurs d'achats de ce secteur publié la veille par l'association professionnelle ISM. L'ISM "non-manufacturier" a reculé de 2,5 points par rapport à mars pour s'établir à 53,5%, son niveau le plus bas depuis le début de l'année. Les analystes tablaient sur un recul moins fort de l'indice dans la mesure où leur prévision médiane le donnait à 55,5%. Les cours reflétaient enfin les déclarations du secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) selon qui les pays pétroliers souhaitent que les prix reviennent à des niveaux soutenables pour les pays consommateurs. "Nous ne sommes pas satisfaits des prix actuels. Nous devons ramener les prix à un niveau qui convienne à la fois aux consommateurs et aux producteurs", a déclaré Abdallah El Badri. "Il y a énormément de pétrole sur le marché, et nous nous efforçons de faire baisser les prix", a-t-il ajouté.