Les cours du pétrole étaient en baisse, hier, lestés par les inquiétudes concernant la crise politique en Grèce endettée et la perspective d'une hausse des approvisionnements des grands pays producteurs, même si des prises de bénéfices limitaient les pertes. Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en juin perdait 39 cents, à 96,62 dollars, dans les échanges matinaux. Le baril de Brent de la mer du Nord à même échéance cédait 58 cents à 112,16 dollars. "Les cours du pétrole sont relativement stables et nous voyons un certain volume de prises de bénéfices sur le marché du brut", a relevé Victor Shum, analyste chez Purvin and Gertz à Singapour. "Mais il reste une incertitude considérable au sujet des problèmes politiques et financiers dans la zone euro", a-t-il ajouté. Les marchés étaient de plus en plus nerveux à l'égard de la situation politique en Grèce, deux jours après la tenue d'élections législatives qui ont laminé les deux partis gouvernementaux sortants, pro-euro et ayant accepté de signer le programme d'assainissement de l'économie grecque. Mardi, la Grèce était ainsi bien en peine d'obtenir une majorité, de gauche ou de droite, et de former un gouvernement. La coalition de gauche radicale Syriza anti-austérité, propulsée dimanche second parti de Grèce et à laquelle le chef de l'Etat a confié la mission de former un gouvernement, a exclu d'appartenir à un gouvernement de coalition avec des partis qui acceptent le plan de redressement de la Grèce dicté par l'UE et le FMI. La situation en France est également un motif de préoccupation pour les marchés qui scrutent avec intérêt les faits et gestes du président élu, le socialiste François Hollande, à l'égard de l'Allemagne. Hollande doit rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin le 16 mai au lendemain de sa prise de fonctions à l'Elysée. Les deux dirigeants s'opposent sur la politique économique à adopter en Europe face à la crise. Hollande voudrait renégocier le traité de discipline budgétaire signé par 25 pays européens, à l'initiative notamment de l'Allemagne, pour y ajouter des mesures de croissance. Mme Merkel est prête à discuter de mesures de croissance mais a refusé jusqu'ici toute renégociation du traité. "La victoire de Hollande était attendue, mais sa relation avec la chancelière allemande est un point d'interrogation", selon les analystes de Barclays Bank. Les cours de l'or noir étaient également tirés à la baisse par les déclarations du ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Naimi, qui a estimé lors d'un déplacement au Japon mardi que les prix actuels étaient trop élevés et répété que son pays se tenait prêt à utiliser sa capacité excédentaire de production pour fournir le marché. Récemment, M. Naimi avait déclaré que les prix élevés du pétrole étaient mauvais pour tout le monde, pays développés, émergents, pauvres ou producteurs. En Europe le pétrole ne trouve pas de directions La veille, les cours du pétrole reculaient en Europe, le prix du baril de Brent tombant même à un nouveau plus bas depuis fin janvier, pliant sous la pression d'inquiétudes sur la demande énergétique mondiale et d'une nette hausse du dollar. Peu avant la clôture, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin s'échangeait à 111,37 dollars, perdant 1,81 dollar par rapport à la clôture de vendredi, après être tombé à 110,53 dollars, son plus bas niveau depuis fin janvier. Le marché londonien était resté fermé la veille en raison d'un jour férié au Royaume-Uni mais le Brent avait tout de même évolué dans des échanges électroniques. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" (WTI) pour la même échéance abandonnait 1,84 dollar à 96,10 dollars, après être tombé la veille à 95,34 dollars, un plus bas depuis fin décembre. "Les opérateurs américains se sont précipités sur le marché lundi, profitant de creux dans les cours", pour effectuer des achats à bon compte et pour tenter d'enrayer un mouvement de ventes massives qui s'était emparé des marchés européens du fait d'incertitudes politiques accrues en zone euro, commentait Fawad Razaqzada, analyste chez GFT Markets. Les incertitudes politiques en Europe, pesaient sur les perspectives de demande européenne de pétrole, et poussaient les investisseurs à se tourner vers des valeurs qu'ils jugent plus sûres, comme le billet vert et le yen, et à l'écart d'investissements à risques comme les matières premières. De plus, le renforcement de la devise américaine, à des plus hauts depuis plus de trois mois face à l'euro, rend moins attractifs les achats de matières premières libellées en dollar, comme l'or noir, pour les investisseurs munis d'autres devises. Autre source de pression sur les cours, le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi, a assuré mardi, lors d'un déplacement au Japon, que son pays était prêt à élever sa fourniture aux pays consommateurs en utilisant ses capacités de production supplémentaires et ses réserves. Il a également convenu que les prix du pétrole restaient "trop élevés", sur fond de tensions internationales autour du programme nucléaire de l'Iran, dont les ventes d'or noir font l'objet de mesures de restrictions de clients importants, en premier lieu les Etats-Unis, l'Union européenne (UE) et le Japon. Peu de changement dans les prévisions de demande mondiale des USA L'agence gouvernementale américaine d'information sur l'Energie (EIA) a révisé légèrement à la hausse, avant-hier, sa prévision pour la consommation mondiale de pétrole en 2012, et légèrement à la baisse pour 2013, dans un contexte de fragilité économique mondiale. Dans un rapport mensuel, l'agence, émanation du département de l'Energie, estime que la consommation d'or noir de la planète atteindra 88,9 millions de barils par jour (mb/j) cette année (+1,0 mb/j par rapport à 2011) et 90 mb/j l'an prochain (+1,2 mb/j). L'EIA "tablait auparavant sur une croissance un peu inférieure pour 2012 (88,8 mb/j) et légèrement supérieure pour 2013 (90,1) mais c'est une évolution minime, et statistiquement, c'est presque inchangé", a relevé James Williams, de WTRG Economics. Toutefois, les experts de l'EIA ont averti que "la croissance sur un an de l'offre en 2012 devrait dépasser de manière importante la croissance de 1 million de barils par jour de consommation". De ce fait, ils s'attendent à "une hausse des réserves mondiales" non stratégiques par rapport à 2011.