Le débat sur la réforme de la justice, dont le président Bouteflika a fait une priorité à son arrivée à la magistrature suprême, est toujours d'actualité. Selon les confessions du professeur Mohand Issad, le processus des réformes que devait subir le secteur de la justice n'a pas encore atteint son terme. Dans une interview qu'il a accordée à un confrère, hier, le président de la commission de réforme de la justice a déclaré ouvertement que les recommandations formulées dans le rapport de la commission, et qui a été remis au président de la République, sont loin d'être mises en application. Le professeur Issad constate, ainsi, "des retards énormes" dans la mise en application des recommandations de la commission qu'il a présidée en 2000. En faisant ce constat, le professeur a voulu manifestement aller dans le fond des choses et les détails du dossier en déclarant, notamment, que "l'instauration de l'Etat de droit ne se limite pas à la promulgation de lois et autres textes juridiques ", mais il faudra commencer, plutôt, par le climat global qui règne au sein de la justice. Plus explicite, celui qui a eu à présider la commission de réforme de la justice regrette que "la société ne s'intéressent qu'au traitement des dossiers au niveau des tribunaux criminels, alors que les affaires civiles constituent 95% du travail de la justice". "Combien de familles ont été lésées et divisées à cause d'une décision de justice", a-t-il déclaré. Le professeur Issad a tenu à rappeler également que le rapport de la commission de réforme qui a été remis au chef de l'Etat, il y a sept ans, requiert une large autonomie pour le juge, en expliquant que "pour que la réforme de la justice soit totale et entière, nous avons recommandé à ce que le ministère de la Justice ne s'interfère pas d'une manière directe dans le travail du juge, et c'est à partir de là que commence l'indépendance de la justice". Si le professeur Issad exhorte le ministère de tutelle à ne pas se mêler du fonctionnement direct de l'institution judiciaire, c'est parce que le ministère, avant tout, représente le pouvoir exécutif. Sur un autre plan, celui qui a présidé la commission de réforme de la justice a aussi déclaré qu'il n'est pas normal qu'un juge soit récompensé sur la base du nombre de décisions qu'il délivre alors qu'on ignore le nombre de rejets de jugement que délivrent les tribunaux régulièrement. Le projet de création de pôles régionaux de justice a été également évoqué par le professeur Issad en déclarant que "pour le moment cette idée n'est qu'à sa phase préliminaire et le projet ne va pas connaître son aboutissement bientôt".