Les prix du pétrole hésitaient autour de l'équilibre, avant-hier, en fin d'échanges européens, dans un marché nerveux, dopés par une baisse des taux d'intérêts en Chine puis refroidis par une allocution du président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Ben Bernanke. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet valait 100,33 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, en baisse de 31 cents par rapport à la clôture de la veille. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" (WTI) pour la même échéance gagnait 13 cents à 85,15 dollars. Les cours du baril repartaient en baisse à Londres et effaçaient quasiment leurs gains à New York, après avoir gagné jusqu'à deux dollars à la moitié des échanges européens. "Les prix du pétrole ont bondi après l'annonce d'une baisse surprise des taux d'intérêt en Chine, une première depuis 2008", soulignait David Morrison, analyste du courtier GFT Markets. Les taux d'intérêt de référence en Chine sur les emprunts et les dépôts à un an vont être abaissés de 0,25 point de pourcentage, dans un contexte de ralentissement de la deuxième économie mondiale. "Cette nouvelle a revigoré les investisseurs, en ravivant leurs espoirs de voir la Chine prendre des mesures pour stimuler sa croissance économique, ce qui conforterait la demande énergétique du pays", deuxième consommateur de brut de la planète, indiquait M. Morrison. Les prix du brut ont cependant rapidement perdu du terrain après une allocution de Ben Bernanke, "qui a nettement déçu les opérateurs en ne s'engageant pas résolument" sur d'éventuels coups de pouce de la banque centrale américaine, ajoutait l'analyste. S'exprimant devant un comité du Congrès, le président de la Fed s'est montré avare de détails sur les perspectives de politique monétaire de l'institution, tout en estimant que la croissance économique semblait "devoir continuer à un rythme modéré dans les trimestres à venir". Ces commentaires ont ainsi douché les spéculations sur une intervention à court terme de la Fed par des injections de liquidités dans l'économie américaine, dont la reprise montre pourtant des signes de faiblesse. "A l'exception notable mais largement anticipée de la Chine, les principales banques centrales dans le monde (et notamment la Banque centrale européenne et la Fed) font preuve d'attentisme", commentait Julian Jessop, analyste du cabinet Capital Economics. "Les politiques monétaires seront peut-être assouplies ailleurs dans le monde mais cela ne fera que limiter la dégringolade des actifs à risque, comme les matières premières, plutôt que de nourrir une véritable reprise économique", assurait M. Jessop, pour qui les cours du brut devraient rester sous pression. De fait, "le marché du pétrole est abondamment approvisionné", l'offre mondiale étant notamment dopée depuis plusieurs mois par un accroissement de la production saoudienne "alors que les inquiétudes sur la demande ne risquent pas de se dissiper dans un contexte macroéconomique morose", abondait Andrey Kryuchenkov, expert de VTB Capital. Ainsi, l'Espagne, confrontée aux difficultés croissantes de son secteur bancaire, continue d'attiser les inquiétudes des investisseurs sur la zone euro. Aux Etats-Unis, les chiffres mitigés publiés la veille par le Département américain de l'Energie (DoE) n'avaient pas contribué à rasséréner les opérateurs, faisant état d'une forte hausse des réserves d'essence et de produits distillés. En hausse en Asie Les cours du pétrole étaient en hausse en Asie, les marchés espérant des solutions dans la crise en zone euro et une nouvelle intervention de la banque centrale aux Etats-Unis afin de stimuler l'activité du premier consommateur mondial de brut. Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en juillet s'appréciait de 20 cents, à 85,22 dollars, dans les échanges matinaux. Le baril de Brent de la mer du Nord à même échéance progressait également de 20 cents, à 100,84 dollars. "Les prix du pétrole montent sous l'effet des espoirs grandissants du sauvetage des banques espagnoles en difficulté afin de limiter la crise de la dette dans la zone euro", a relevé la maison de courtage Phillip Futures dans un rapport. La perspective d'un nouveau coup de pouce de la banque centrale des Etats-Unis (Fed) à l'économie ajoute à l'optimisme des marchés, a-t-elle ajouté. La Banque centrale européenne (BCE) a laissé la veille son principal taux directeur inchangé à 1%, un niveau historiquement bas, mais a renouvelé son soutien actuel aux banques de la zone euro, tout en assurant que l'institution continuait de surveiller attentivement la situation. Par ailleurs le ministre français des Finances Pierre Moscovici a fait savoir que la zone euro était prête à "mobiliser très rapidement" ses "instruments" de secours pour venir en aide à l'Espagne "si le gouvernement espagnol le souhaite". Madrid n'a pas formellement demandé l'aide de ses partenaires européens pour aider ses banques asphyxiées par leur exposition au secteur immobilier. Les investisseurs nourrissent également l'espoir que la Fed décide d'injecter de nouvelles liquidités dans l'économie, lors de la prochaine réunion de son comité de politique monétaire prévue pour les 19 et 20 juin. Enfin les prix ont bénéficié d'un recul de 100 000 barils des stocks de brut aux Etats-Unis lors de la semaine achevée le 1er juin annoncé par le Département américain de l'Energie (DoE). Bien que moins prononcé qu'attendu, il s'agit toutefois du premier recul hebdomadaire de ces réserves depuis deux mois, un signal jugé positif pour la demande énergétique américaine. Enfin, le marché du pétrole restait tiré vers le haut par les incertitudes dans le dossier iranien, alors que Téhéran et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) vont tenter vendredi de boucler un accord permettant notamment l'accès à des inspecteurs internationaux de sites militaire du pays.