Jour J - 3, avant le rendez-vous électoral au Venezuela et tout semble indiquer que le triomphe d'Hugo Chavez est évident. Les enjeux sont de taille et les joutes électorales de dimanche prochain détermineront si le Venezuela continuera à avancer dans son ambitieux projet populaire national, anti-impérialiste et démocratique, engagé en 1998, et faire ainsi un pas de géant dans l'édification d'un projet national, dont l'organigramme ne prévoit pas les Etats-Unis. Dans le cas échéant, c'est-à-dire en cas de victoire du candidat de droite, un processus de régression est désormais garanti. L'opposition vénézuélienne, réunie autour de la candidature de Henrique Capriles, voudra en finir avec tout ce qui pourrait ressembler à Chávez ou au processus bolivarien. La révolution génèrera la haine, le ressentiment, et l'aversion. L'opposition fera tout pour démonter le projet bolivarien basé sur les politiques sociales populaires, les investissements publics, la redistribution de la richesse, les nationalisations, la réforme agraire, l'accès au logement, à la santé et à l'éducation. Le 15 décembre 1999, pour la première fois dans l'histoire politique du Venezuela, une nouvelle Constitution avait été adoptée par référendum avec 71.79% de votes affirmatifs, marquant ainsi la différence avec la précédente Constitution, en vigueur depuis 1961, approuvée au sein du Parlement sans référendum populaire. La promulgation de la Constitution a été le premier triomphe de la révolution en marche. Ceci dit, la droite tardera à reconnaître le nouveau cadre constitutionnel. Le coup d'Etat avorté de 2002, avait pour but de tuer le président Chavez et abroger la Constitution de 1999, dont le caractère était différent de celui de la majorité des pays de la région, du fait qu'elle reposait sur la démocratie participative et la construction d'une citoyenneté intégrale. Comme l'expliquent si bien les deux chercheurs scientifiques sociaux vénézuéliens, Edgar Lander et Margarita López Maya qui estiment que la recherche de l'égalité sociale comme objectif explicite est l'une des différences de l'actuelle démocratie vénézuélienne avec les autres démocraties de la région, et c'est l'un des termes qui peut être attribué au terme révolution qui s'auto-identifie à cette expérience. C'est ainsi que la Constitution de 1999 établit dans son deuxième article les principes fondamentaux de la République : le Venezuela se constitue comme un Etat démocratique et social de droit et de justice, qui défend comme valeurs supérieures de son système juridique et de sa conduite, la justice, l'égalité, la solidarité, la démocratie, la responsabilité sociale et en général la prééminence des Droits de l'Homme, l'étique et le pluralisme politique. Et c'est dans ce cadre que des missions ont été créées, un outil fondamental pour résoudre et définir les projets destinés à l'inclusion, la transformation économique et sociale. Ainsi le contrôle des ressources naturelles et énergétiques, à l'image du pétrole, a permis de créer les fonds nécessaires à même de pouvoir mener les politiques de redistribution. En outre, en politique extérieure, le caractère anti-impérialiste et émancipateur puise ses racines dans la pensée des libérateurs. La révolution bolivarienne marche à contre-courant. Elle a des ennemis en Amérique Latine et dans le monde, qui tentent de minimiser ses acquis les taxant de populisme, sans savoir faire la différence entre ce qui est populaire national, qui consiste à construire un sujet politique autonome, et ce qui est populiste, qui mène un discours ouvriériste, renégociant la dépendance dont le leadership est entre les mains des bourgeoisies créoles qui ne changent pas la structure du pouvoir ni s'attaquent aux racines des inégalités. La politique actuelle du Venezuela est populaire et non pas populiste, elle ne cherche pas à faire taire ni à acheter des voix. Il s'agit d'une action qui tend à éradiquer la misère, rendre la dignité au peuple et le faire participer à son destin. Comme l'attestent si bien les données économiques de ces dix dernières années de changements démocratiques. La lutte contre l'inégalité, la pauvreté et l'exclusion sociale a porté ses fruits durant la période 1999- 2010, l'investissement social accumulé a atteint 330 milliards de dollars (20% du PIB), alors qu'il n'a pas dépassé 8% du PIB dans la décennie 1988-1998. Selon la Banque Mondiale, la pauvreté est passée de 70% en 1996 à 23,9% en 2009, et la pauvreté extrême est passée de 40% à 5,9%. L'indice de Gini pour mesurer les inégalités a diminué d'un point et s'est stabilisé à 0.4068, le plus bas de toute l'Amérique Latine. Le taux de chômage ne dépasse pas 6,2% et le salaire minimum est passé de 185 dollars en 1998 à 462 dollars en 2010. En 1998, le nombre des bénéficiaires du système de pensions était de 387 000 personnes, aujourd'hui 1. 916 000 personnes bénéficient de ce système, avec une pension ajustée au salaire minimum, inexistant jusqu'à la révolution. Par ailleurs, le crédit aux micro-entreprises et aux secteurs populaires a connu une grande dynamisation. En 2011, la banque publique a augmenté de 50% ses fonds de prêts passant d'un peu plus 40 milliards de bolivars à un peu plus de 60 milliards. Dans le domaine de la santé, 113 chantiers de nouvelles constructions, quatre hôpitaux, neuf maternités ont été réalisés, et le nombre de lits a augmenté de 21.1%. D'autre part, la Mission Miracle, programme conjoint Venezuela- Cuba dont le slogan est "Pour une vision solidaire du monde ", opère depuis 2004 pour la population à faibles revenus, en pathologies oculaires de la cornée, la cataracte, le glaucome, l'ophtalmologie pédiatrique et l'oncologie et a rendu la vue à un total de 1 413 708 personnes à travers presque toute l'Amérique Latine. Le Venezuela a aujourd'hui une dette extérieure assainie et ses réserves mondiales accumulées ont doublé en dix ans, atteignant environ 30 milliards de dollars. Malgré tout cela, ses acquis se volatilisent en raison d'une propagande insidieuse qui cache la réalité et qui présente un pays en proie à la violence, au chaos, et à la répression. Des 111 stations de télé, 61 sont privées, 13 publiques et 37 communautaires de portée limitée. Quant aux radios AM, 87 % appartiennent au secteur privé, 3 % sont communautaires et 10% publiques. Quant aux radios FM, 57% appartiennent au secteur privé, et 31% au secteur public. Et pour ce qui est de la presse écrite, 80% appartiennent à l'opposition, mais c'est l'image contraire qui est présentée. La droite vénézuélienne reconnaît la Constitution timidement, demande un référendum et s'auto-définiet comme modérée. Son candidat Henrique Capriles se présente comme progressiste et centriste, malgré son action belligérante lors du coup d'Etat de 2002, attaquant l'Ambassade de Cuba, sans aller plus loin. N'oublions pas que Capriles est le représentant d'un groupe de plus d'une douzaine d'organisations, où des personnes majoritaires ont pour objectif de reconquérir le pouvoir pour les classes dominantes traditionnelles et le capital transnational, qui se trouve aujourd'hui entre les mains du peuple vénézuélien. En conclusion, deux options sont en jeu dans ces élections, à savoir le maintien du projet démocratique initié par Hugo Chavez, ou revenir à un passé néolibéral aux conséquences désastreuses pour le Venezuela.