Algérie, Jordanie, Corée du Sud, Taïwan, voici la liste des clients qui viennent de passer commande de blé. Ils ont tous fait affaire avec le premier fournisseur mondial, les Etats-Unis. Le pays actuellement le mieux placé pour tirer parti de l'explosion des cours européens. La semaine dernière, les Etats-Unis ont vendu deux millions de tonnes de blé à l'export. C'est deux fois plus que ce qui était prévu. Un record absolu depuis le début de l'année, qui pourrait bien être amélioré dans les prochaines semaines car tant que les récoltes de l'Hémisphère Sud n'arrivent pas sur le marché, c'est-à-dire pas avant l'automne, les Américains se retrouvent littéralement seuls en piste. L'Ukraine, une origine souvent compétitive face aux Etats-Unis, fait défaut en raison de la sécheresse qui l'a obligée à suspendre ses exportations. Celles-ci pourraient diminuer de moitié par rapport à l'année dernière. Quant à l'Union européenne, elle aussi malmenée par la météo, elle se voit contrainte de réduire ses disponibilités à l'exportation de 17 à 15 millions de tonnes. Par ailleurs, les cours continuent à exploser sur le marché à terme parisien, la tonne de blé valant plus de 200 euros. Sur la bourse des céréales de Chicago, le blé approche les sommets d'il y a onze ans, mais ce prix n'effraie visiblement pas les acheteurs, la semaine dernière l'Egypte a passé un contrat pour l'achat de 300 000 tonnes de blé américain. Ce grand pays importateur, qui a coutume d'acheter quand le marché baisse, a préféré se couvrir, de peur que la facture ne soit encore plus lourde d'ici quelques semaines. Les dernières prévisions du Conseil international des céréales sont pourtant rassurantes : le déficit entre l'offre et la demande persiste, de l'ordre de 15 millions de tonnes, mais il se réduit. D'une part parce que la consommation s'est contractée -pour l'alimentation humaine comme pour l'alimentation animale on a préféré au blé une céréale moins onéreuse-, d'autre part parce que la production mondiale sera finalement plus élevée que prévue, notamment grâce à la hausse de la production du continent asiatique. Littéralement seuls en mesure de répondre à la demande pressante, les Etats-Unis disposent par ailleurs d'un avantage définitif dans le commerce international : la faiblesse de leur monnaie qui augmente d'autant leur compétitivité face aux autres origines. Car même si l'Europe avait, aujourd'hui, suffisamment de blé pour profiter de la situation, fait remarquer un négociant, la robustesse de l'euro combinée à un cours astronomique lui ôte toutes ses forces face au concurrent américain.