Les embauches se sont nettement accélérées aux Etats-Unis en février en dépit de la rigueur budgétaire à laquelle s'astreint le pays, dont le taux de chômage officiel est tombé avant-hier à son niveau le plus bas depuis décembre 2008. La publication du rapport sur l'emploi établi par le département du Travail a propulsé la Bourse de New York vers de nouveaux records, mais plusieurs économistes avertissent que les chiffres sont moins bons qu'ils n'y paraissent à première vue et que la réduction des dépenses publiques est encore loin d'avoir fait sentir tous ses effets sur la croissance. Selon le ministère, le taux de chômage officiel a reculé de 0,2 point en février pour s'établir à 7,7%, et les créations d'emplois ont presque doublé par rapport au mois précédent, avec 236 000 embauches nettes. Le rapport est nettement meilleur que le pensaient les analystes, dont la prévision médiane donnait le chômage stable et 165 000 créations de postes, et la Maison Blanche en a conclu que la reprise était "en train de gagner de l'élan". "Les entreprises américaines ne tiennent pas compte des entraves budgétaires et de l'incertitude politique: elles embauchent de nouveau, et davantage", se réjouit Sal Guatieri, de BMO Marchés des capitaux, pour qui un cercle vertueux serait en train de s'enclencher qui verrait emploi, marché immobilier, hausse des revenus et de la consommation des ménages se renforcer mutuellement. Cet optimisme est loin d'être universellement partagé. Plusieurs économistes font remarquer que si l'emploi semble avoir fait fi des hausses d'impôts de janvier, il ne devrait pas en aller de même avec la réduction des dépenses publiques entamée début mars, et qui, selon nombre de pronostics, devrait coûter au bout du compte environ 0,5 point de croissance au pays cette année. Contrecoup Le rapport du ministère recèle quelques mauvaises surprises. D'abord une révision en nette baisse des créations d'emplois des deux mois précédents. Par conséquent, estime Michael Gapen, de la banque Barclays, il faut relativiser les chiffres de février et "le fait que le marché du travail soit passé à une vitesse d'embauches supérieure n'a rien d'évident". De plus, la baisse du taux de chômage a été due pour une grande part à une diminution de la population active, autrement dit, "de mauvaises raisons", comme le note Aichi Amemiya. La conséquence est que le taux d'activité officiel, mesure du nombre de personnes employées ou cherchant activement du travail par rapport à l'ensemble de la population en âge de travailler, est revenu à son niveau le plus faible depuis 1979. Le fait que ce ratio ne parvienne pas à augmenter est un signe des difficultés auxquelles la reprise de l'emploi se heurte. L'amélioration de la conjoncture ne semble pas suffisante pour pousser nombre de chômeurs exclus des statistiques officielles (le ministère en décompte plus de 3,7 millions) à se remettre en quête de travail.Pour Dean Baker, directeur du Centre pour la recherche économique et politique (CEPR), le chiffre des créations d'emplois pourrait avoir été gonflé par la douceur inhabituelle de l'hiver, dont a nettement profité le secteur de la construction.Selon lui, on risque de voir une répétition de ce qui s'est passé en 2012, où la hausse de l'emploi avait été très faible au printemps. En fin de compte, la croissance économique reste "modeste" et "n'a pas encore ressenti le contrecoup" de la rigueur. La Fed juge la solidité des banques renforcée après ses tests La solidité des grandes banques américaines continue de se renforcer dans l'ensemble, a estimé la veille la Réserve fédérale (Fed) des Etats-Unis, à l'issue de la première phase de la version 2013 de ses tests de résistance. "La capacité des plus grandes holdings bancaires du pays à résister à un scénario, hypothétique, d'une conjoncture extrêmement défavorable, s'est encore améliorée et leur situation financière est dans l'ensemble nettement plus forte qu'avant la crise", indique la banque centrale dans un communiqué. Sur les 18 banques auxquelles la Fed a imposé cette hypothèse d'une récession économique de deux ans d'une gravité sans précédent depuis la crise des années 1930, seule une, Ally Financial, en cours de restructuration sous la tutelle de l'Etat, n'est pas parvenue à faire la preuve de sa capacité à maintenir son ratio de fonds propres durs au-dessus des 5,0% réglementaires. La Fed précise que, selon ce scénario, le ratio de fonds propres durs de l'ensemble de ces 18 établissements, qui représentent collectivement plus de 70% des actifs bancaires du pays, passerait de 11,1% au troisième trimestre de 2012 à 7,7% au quatrième trimestre de 2014, après être tombé au plus bas, à 7,4%. La Réserve fédérale ajoute qu'en dépit des pertes qu'occasionnerait la survenue d'une telle crise, ce ratio serait encore bien supérieur à son niveau de la fin 2008 ("environ 5,6%"), au moment de la panique bancaire. Accélération de la hausse du crédit à la consommation Le crédit à la consommation a connu une forte croissance pour le sixième mois d'affilée en janvier, où sa hausse s'est accélérée, selon des chiffres publiés par la banque centrale américaine (Fed). L'encours des crédits à la consommation dans le pays a augmenté de 7,0% en rythme annualisé et en données corrigées des variations saisonnières, après avoir bondi de 6,6% en décembre (chiffre révisé en hausse de 0,3 point), indique la Réserve fédérale sur son site internet. En volume, l'encours total a augmenté de 16,2 milliards de dollars en décembre, ajoute la banque centrale, soit bien plus que la prévision médiane des analystes (12,8 milliards), laquelle donnait un ralentissement de la hausse de ces emprunts Le crédit à la consommation regroupe l'ensemble des crédits accordés aux particuliers en dehors des prêts immobiliers. Selon la Réserve fédérale, la progression du mois de janvier a été tirée par une nouvelle poussée des crédits non renouvelables (prêts étudiants ou à l'achat d'une automobile principalement), de 10,0%, et un léger rebond (+0,1%) des crédits renouvelables, qui regroupent essentiellement ceux contractés en payant par carte de crédit. Depuis une légère baisse en juillet, le crédit à la consommation a connu six mois consécutifs de hausse à un rythme supérieur à 5,0%. Sur l'ensemble de l'année 2012, il a bondi de 5,9%, après avoir progressé de 3,4% en 2011. Le crédit non-renouvelable est dopé depuis deux ans environ par un bond des prêts étudiants, désormais le deuxième poste d'endettement des ménages, loin derrière les crédits au logement. La Fed a indiqué le 28 février que le cycle de désendettement des ménages américains entamé fin 2008 semblait toucher à sa fin, notamment sous l'effet de cette poussée des prêts étudiants, pour lesquels les retards de paiement ne cessent d'augmenter. Le déficit commercial repart à la hausse en janvier Le déficit commercial des Etats-Unis a connu en janvier sa plus forte poussée en deux ans, sans toutefois annuler sa nette chute du mois de décembre, selon des chiffres publiés à Washington par le département du Commerce. Le solde, chroniquement déficitaire, des échanges de biens et de services du pays avec le reste du monde s'est établi ce mois-là à 44,4 milliards de dollars, en données corrigées des variations saisonnières, soit 16,5% de plus que le mois précédent, indique le ministère. Cette aggravation, la plus forte depuis le mois de janvier 2011, est légèrement plus prononcée que celle attendue par les analystes dont la prévision médiane tablait sur 43,0 milliards. La poussée de janvier intervient après un très fort recul en décembre que le gouvernement a encore revu à la hausse la veille. Ce mois-là, le déficit a finalement fondu de 20,9% contre 20,7 initialement annoncés. Pour le premier mois de l'année, l'indicateur a été tiré à la baisse par un recul des exportations de -1,2% à 184,5 milliards de dollars, notamment dans les équipements industriels. Dans le même temps, les importations américaines ont progressé de 1,8%, à 228,9 milliards de dollars par rapport au mois de décembre, principalement dans le domaine de l'alimentation et des boissons. Une fois encore, le déficit américain a été plombé par les échanges sur les biens, qui s'est élevé 61,8 milliards de dollars, alors que le pays dégageait un confortable excédent concernant les échanges de services (+17,4 milliards de dollars). Sur un an, le déficit commercial de la première économie mondiale s'affiche nettement en baisse (-14,9%). En termes géographiques, le déficit commercial sur les biens s'est notamment creusé de 13,6% avec la Chine pour atteindre 27,8 milliards de dollars en janvier, selon des données non-corrigées des variations saisonnières. Ce déficit a par ailleurs atteint son plus haut niveau avec le Canada depuis octobre 2008 après s'être creusé de 1,3% en janvier, à 4,9 milliards, a indiqué le gouvernement. Il s'est en revanche légèrement résorbé (-1,0%) avec l'Union européenne pour atteindre 8,6 milliards de dollars en janvier, selon les données du gouvernement. La Chambre vote le financement de l'Etat fédéral jusqu'en septembre La Chambre des représentants américaine a voté le financement de l'Etat fédéral jusqu'à fin septembre, premier pas vers un éventuel règlement de la crise que provoquerait la fermeture partielle des services publics à compter de fin mars. A ce jour, l'Etat fédéral n'a le droit de fonctionner que jusqu'au 27 mars, selon une loi de financement votée en septembre. Sans un vote du Congrès avant cette date-butoir pour prolonger ce financement, les services publics non essentiels seraient dans l'obligation de fermer, avec des centaines de milliers de fonctionnaires mis en congés sans solde. Ce scénario s'est déjà produit fin 1995 pendant 21 jours, lors d'une bataille mémorable entre le président démocrate Bill Clinton et la Chambre républicaine. La Chambre --à majorité républicaine-- a voté mercredi par 267 voix contre 151 pour financer l'Etat jusqu'à la fin de l'exercice budgétaire 2013, le 30 septembre, sur la base du niveau des dépenses actuelles. La semaine prochaine le Sénat, contrôlé par les démocrates, devrait voter sur son propre texte. Les deux versions devront ensuite être "réconciliées" avant que le président Barack Obama ne puisse promulguer la loi. Mardi, l'exécutif américain a indiqué être "profondément inquiet des conséquences" du texte de la Chambre mais s'est abstenu de formuler une menace de veto dans l'immédiat. Ce budget temporaire n'annule pas les coupes budgétaires automatiques, entrées en vigueur vendredi dernier. Chaque agence gouvernementale verra ses nouveaux crédits amputés de 5 à 8%, y compris dans les services de douanes, de contrôle aérien ou au sein du FBI. Plusieurs médias américains soulignaient par ailleurs mercredi que les avertissements de la Maison Blanche sur les conséquences de cette rigueur automatique étaient exagérés dans certains domaines. Le porte-parole de l'exécutif, Jay Carney, a par exemple prévenu que le personnel de nettoyage du Capitole ne pourrait plus assurer ses "fins de mois" en raison de la suppression d'heures supplémentaires. Mais, comme l'ont indiqué les services du Capitole au Washington Post, ces personnels ne seront affectés que de façon négligeable cette année, à raison de quelques dollars par semaine.