Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a clairement laissé entendre que sa patience avait des limites. Des dizaines de milliers de ses opposants se sont à nouveau rassemblés place Taksim à Istanbul. Les manifestants étaient venus en masse assister à un concert et à une réunion politique. Les organisateurs du mouvement baptisé "Solidarité Taksim" réclament désormais l'interdiction du recours aux gaz lacrymogènes, le limogeage des responsables de la répression et la levée de l'interdiction de manifester. Sur une tribune dressée dans la matinée au milieu de la place, les harangues dénonçant la politique du gouvernement et les brutalités policières se succédaient, entrecoupées de morceaux de musique et immanquablement ponctuées de "Tayyip, démission!" ou "gouvernement, démission!" scandés par la foule. Samedi soir, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont encore rassemblées sur ce site, où les premiers affrontements avec les forces de l'ordre ont éclaté il y a une semaine. "Un terme à la patience" Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a affirmé que "nous avons été patients, nous serons patients, mais il y a un terme à la patience". Fort d'une popularité sans égale, M. Erdogan n'a rien changé à son emploi du temps. "Mes chers frères, nous allons vers une Turquie meilleure. Ne laissez pas faire ceux qui cherchent à semer les graines de la discorde!" a-t-il lancé à ses partisans venus l'accueillir dans la matinée. Le Premier ministre islamo-conservateur, qui n'a aucune intention de renoncer à ses fonctions, s'appuie sur la bonne santé électorale de son parti, l'AKP, dont le score n'a cessé de progresser lors des trois dernières échéances nationales. Il n'a en outre aucun concurrent sérieux. "Intervention musclée de la police" La police turque a utilisé de grandes quantités de gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser une manifestation de plusieurs milliers de personnes dans le centre d'Ankara, au dixième jour du mouvement de contestation contre le régime islamo-conservateur. Des centaines de policiers anti-émeutes ont abondamment utilisé le gaz lacrymogène pour déloger les protestataires qui manifestaient pacifiquement sur la place centrale de Kizilay, théâtre de manifestations anti-gouvernementales, et ont fait au moins deux blessés. La police a aussi procédé à des interpellations parmi les manifestants qui se sont enfuis dans les ruelles avoisinantes sous une épaisse fumée de gaz toxique. Cette intervention musclée sur cette place, pour la deuxième journée consécutive, est intervenue alors que les partisans du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan étaient réunis sur une autre place, à quelques km plus loin, où ils acclamaient l'homme fort du pays venu prononcer un discours, le quatrième depuis qu'il est arrivé, avant-hier après-midi, dans la capitale turque. Alors que les protestataires ont une nouvelle fois occupé la rue à Istanbul, Ankara ou Izmir (ouest), le chef du gouvernement a renoué avec sa rhétorique offensive contre les pillards et les extrémistes, et dénoncé un complot organisé à l'intérieur et à l'extérieur du pays.