L'Irak a encore de nombreux défis à relever pour devenir le géant pétrolier qu'il ambitionne d'être d'ici quelques années, selon les participants de la conférence “Irak Petroleum 2013”, qui s'est tenue cette semaine à Londres. Le potentiel pétrolier de l'Irak est très important : au coude-à-coude avec l'Iran pour la position de deuxième producteur de brut de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), le pays possède 9% des réserves mondiales d'or noir, selon la BP Statistical Review of World Energy. L'Irak est au pétrole conventionnel ce que les Etats-Unis sont au pétrole non conventionnel, a imagé Alirio Parra, du cabinet CWC Group, organisateur de la conférence. M. Parra compare ainsi la très rapide progression de la production pétrolière aux Etats-Unis, basée sur les ressources non conventionnelles, telles que le pétrole de schiste, à l'augmentation substantielle de la production et de l'exportation de brut en Irak ces dernières années. Les exportations irakiennes de brut ont en effet bondi entre 2010 et 2012, passant de 1,88 million de barils par jour (mbj) à 2,4 mbj fin 2012, selon Thamir Ghadhban, ancien ministre irakien du Pétrole et aujourd'hui proche conseiller du Premier ministre Nouri al-Maliki. Et l'Irak ne compte pas s'arrêter en si bon chemin: le pays ambitionne de porter sa production à 4,5 mbj fin 2014 et à 9 mbj en 2020, contre 3,4 mbj actuellement, d'après la Stratégie énergétique nationale intégrée (INES) présentée la semaine dernière par le gouvernement fédéral irakien. Cet objectif est jugé trop ambitieux par certains observateurs, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) envisageant par exemple une production irakienne de 6 mbj en 2020. Il y a encore beaucoup d'obstacles à surmonter si l'Irak veut réaliser son potentiel, a prévenu Mark Simmonds, sous-secrétaire d'Etat au Foreign Office, qui revient d'une visite officielle en Irak. Le pays doit notamment améliorer ses infrastructures, à la fois pour apporter de l'eau sur les sites pétroliers et pour exporter le pétrole, ont unanimement souligné les participants. Les infrastructures sont l'une des clefs pour augmenter les exportations, a martelé David Morrison, président du cabinet Wood Mackenzie. De nouveaux oléoducs vont être construits, a assuré Thamir Ghadhban. L'objectif est de porter la capacité d'exportation de pétrole au sud du pays - d'où sort la grande majorité du brut irakien - de 3,8 mbj actuellement à 6,8 mbj en 2017. “Nous devons compléter de façon urgente le système d'évacuation du pétrole”, a ajouté Adnan Janabi, président de la Commission sur le pétrole et le gaz au Parlement fédéral irakien, insistant sur la nécessité de diversifier les voies de sorties du pétrole. Autres défis pointés par les participants : la lourdeur bureaucratique, la sécurité et la stabilité politique. “La bureaucratie crée beaucoup de frustrations chez les compagnies internationales, a relevé M. Simmonds, tandis que des participants se plaignaient des délais requis pour obtenir des visas ou réaliser les importations de matériaux nécessaires au développement des champs pétroliers. Quant à la sécurité, elle reste une source d'inquiétude pour les entreprises même si le nombre d'incidents reste faible comparé au pic de 2006-2007”, a indiqué M. Simmonds, citant par exemple de nombreuses attaques contre les oléoducs. Hans Nijkamp, président pour l'Irak du groupe pétrolier britannique Shell a ainsi regretté une détérioration de la sécurité ces six derniers mois. Reste enfin l'épineuse question des relations entre le gouvernement fédéral irakien et le gouvernement régional du Kurdistan. Les autorités de la région autonome Kurdistan ont récemment signé plusieurs accords de prospection pétrolière avec des compagnies étrangères, contre l'avis du gouvernement central de Bagdad, qui les juge illégaux. Les diplomates et les spécialistes estiment que les problèmes entre Bagdad et la région autonome kurde, dotée d'une grande partie des réserves de brut du pays, sont l'une des plus lourdes menaces pesant sur la stabilité à long terme du pays.