L'économie japonaise a profité en janvier d'une ruée des clients dans les magasins avant la hausse d'une taxe sur la consommation, mais gare au retour de bâton lorsque les prix vont augmenter d'un coup au 1er avril. Le gouvernement a publié une série d'indicateurs qui ont témoigné d'un emballement de la troisième puissance économique mondiale lors du premier mois de l'année. La production industrielle a bondi de 4,0% par rapport à celle de décembre, dopée par des commandes dynamiques dans les secteurs de l'automobile et des semi-conducteurs. La consommation des ménages a pour sa part grimpé de 1,1% par rapport au mois de janvier 2013: les Japonais ont acheté davantage d'automobiles, au grand bonheur des constructeurs, mais aussi nettement plus de produits électroménagers et de vêtements. Ce surcroît de demande a entraîné une légère flambée des prix de certains produits durables, comme ceux des télévisions qui ont augmenté de près de 4% sur un an. Même si les clients peuvent pester contre cette évolution, il s'agit d'une bonne nouvelle pour l'économie, dont l'activité est freinée depuis une quinzaine d'années par une déflation lancinante. En janvier, les prix au détail ont augmenté de 1,3% sur un an (hors produits périssables), au même rythme qu'en décembre. Mettre un terme à la baisse tendancielle des prix constitue l'un des principaux objectifs du Premier ministre de droite Shinzo Abe depuis son retour au pouvoir il y a un an, car ce phénomène pernicieux décourage l'investissement des entreprises et incite les clients à reporter leurs achats dans l'espoir de meilleurs tarifs. Le taux de chômage est resté stable pour sa part à 3,7%, au plus bas depuis six ans.
Electricité et essence plus chères Ces données "confirment que l'économie est en train de s'accélérer avant la hausse de la taxe sur la consommation", a résumé Marcel Thieliant, du centre de recherches Capital Economics. Car le 1er avril, cette taxe (équivalente à la TVA française) va passer de 5% à 8%, ce qui va entraîner un renchérissement des produits de consommation courante et des factures des ménages. Ces derniers ont donc tendance à anticiper leurs achats pour profiter au maximum du taux actuel. Mais après le 1er avril, ils devraient au contraire réfréner leurs dépenses, d'abord parce qu'ils auront acheté davantage que d'habitude dans les mois précédents et ensuite parce que leur pouvoir d'achat sera réduit par la hausse de la taxe combinée à un certain retour de l'inflation. "Il y a déjà des signes qui indiquent que la demande va baisser" après la date fatidique, a souligné M. Thieliant, ce qui pèsera sur la croissance. Les professionnels interrogés par les autorités s'attendent à une décélération de la production des usines dès le mois de février et à une franche baisse en mars, le monde industriel ayant tendance à anticiper l'attitude des consommateurs. Autre motif d'inquiétude, le pouvoir d'achat des ménages dont le chef de famille est salarié commence déjà à s'effriter, un phénomène qui pourrait empirer après la hausse de la taxe. Le gouvernement a mis la pression sur le patronat pour qu'il élève les salaires, un point crucial pour la réussite de sa politique économique. Mais pour l'instant, le portefeuille des ménages subit surtout l'impact de la flambée des prix de l'énergie importée par le Japon (pétrole, gaz), entre autres pour fabriquer de l'électricité et de l'essence. Le tarif des hydrocarbures achetés à l'étranger bondit depuis des mois, en raison de la forte dépréciation du yen entraînée par un assouplissement de la politique monétaire de la Banque du Japon visant à doper l'activité et l'inflation. La balance commerciale a en conséquence enregistré un déficit historique équivalent à 82 milliards d'euros en 2013. Au bout de la chaîne, les Japonais paient plus cher leur facture d'électricité et l'essence à la pompe, ce qui, pointent certains économistes, dope artificiellement les chiffres officiels des prix au détail.