La Thaïlande, qui tente de sortir d'une crise politique secouant le pays depuis six mois, a fixé les nouvelles législatives au 20 juillet, même si la Première ministre Yingluck Shinawatra pourrait d'ici là avoir été destituée. Depuis la dissolution du Parlement en décembre, le gouvernement, visé depuis l'automne par un mouvement de rue réclamant sa tête, ne peut qu'expédier les affaires courantes. Le précédent scrutin du 2 février, boycotté par le Parti démocrate, principale formation de l'opposition, a été invalidé par la Cour constitutionnelle, parce que les manifestants ont empêché sa tenue dans de nombreux bureaux de vote. Et rien n'assure que le nouveau aura lieu sans encombre. Les protestataires, qui veulent remplacer le gouvernement par un Premier ministre neutre et non élu, ont en effet promis de perturber tout nouveau vote. Mais la commission électorale, souvent accusée d'être du côté des manifestants, et Yingluck se sont malgré tout mis d'accord mercredi sur cette nouvelle date. Le Parti démocrate n'a pas indiqué à ce stade s'il participerait au nouveau scrutin, mais a immédiatement fait part de sa déconvenue. C'est très décevant que tout à coup, la Première ministre fixe la date des élections alors qu'elle avait accepté de rencontrer Abhisit (Vejjajiva, patron des Démocrates) pour trouver une solution pour notre pays, a commenté le porte-parole du parti Chavanond Intarakomalyasut. Abhisit n'a pas révélé le contenu de sa solution pour sortir de l'impasse politique, mais avait précédemment soutenu la revendication des manifestants de faire des réformes, non précisées, avant tout nouveau scrutin. Outre la tête de Yingluck, les manifestants veulent débarrasser le royaume de l'influence de son frère, l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, qu'ils accusent de continuer à gouverner via sa sœur depuis son exil. Depuis le coup d'Etat ayant renversé Thaksin en 2006, la Thaïlande est engluée dans une série de crises politiques faisant descendre tour à tour dans la rue les partisans du milliardaire et ses ennemis, qui accusent notamment le clan Shinawatra d'avoir mis en place un système de corruption généralisée. La crise actuelle, marquée par des attaques à la grenade et des fusillades, a fait au moins 25 morts et des centaines de blessés. La date des nouvelles élections, dans presque trois mois, laissent du temps aux procédures lancées contre Yingluck d'aboutir, notent d'autre part des observateurs. Une lecture cynique pourrait suggérer que la Commission électorale laisse suffisamment de temps pour que le gouvernement intérimaire soit relevé de ses fonctions d'une manière ou d'une autre, a ainsi commenté l'analyste David Streckfuss. En plus de la pression de la rue, Yingluck, qui avait largement remporté les législatives de 2011, fait en effet face à deux procédures pouvant conduire à sa destitution dans les prochaines semaines. Elle est accusée devant la Cour constitutionnelle d'avoir transféré un haut fonctionnaire de manière inappropriée. Et la Commission anticorruption l'accuse de négligence dans le cadre d'un programme controversé d'aide aux riziculteurs. Mais ses partisans y voient des tentatives de coup d'Etat judiciaire, alors que la justice a déjà chassé deux gouvernements pro-Thaksin en 2008. Et les Chemises rouges, fidèles au gouvernement, ont promis de descendre dans la rue pour le défendre, faisant craindre de nouvelles violences.