La Banque centrale européenne (BCE) a abaissé avant-hier son principal taux directeur à 0,15% lors de sa réunion mensuelle de politique monétaire. Il s'agit d'un nouveau plus bas historique. Le loyer de l'argent en zone euro stationnait à 0,25% depuis le mois de novembre. La BCE a surtout porté en territoire négatif son taux de dépôt, à -0,10%, une mesure inédite pour une grande banque centrale. Elle a également abaissé son taux de prêt marginal à 0,40% (contre 0,75%), a indiqué un porte-parole de l'institut d'émission. Ces mesures étaient largement attendues par les analystes et les marchés face à l'inflation très faible qui prévaut depuis des mois en zone euro et à une croissance qui peine à décoller (+0,2% au premier trimestre). Peu d'influence en Suisse La hausse des prix a atteint 0,5% en mai, selon une première estimation, après 0,7% en avril et 0,5% en mars. Soit très loin de l'objectif de la BCE qui est d'assurer une inflation proche mais en dessous de 2%, gage selon elle de stabilité des prix et de progression harmonieuse de l'activité économique. Ces décisions n'auront que peu d'influence sur l'économie helvétique et la politique monétaire de la Banque nationale suisse (BNS). Le chef économiste de Credit Suisse escompte, néanmoins, des effets légèrement positifs.
Intervention nécessaire Ses responsables, après avoir longtemps espéré un rebond qui ferait taire la menace d'un glissement en déflation de la région, synonyme de baisse généralisée des prix et des salaires et par conséquent de l'activité économique, ont finalement admis qu'il se faisait trop attendre et qu'une intervention était nécessaire. En portant son taux de dépôt à un niveau négatif, la BCE espère pousser les banques à prêter davantage aux entreprises et ménages, afin d'encourager la croissance. En effet, les banques vont être désormais contraintes de payer pour stocker leur argent auprès de la BCE. Par ailleurs, Mario Draghi, a annoncé un ensemble de mesures pour encourager le crédit en zone euro et contrer l'inflation basse, unanimement approuvées par le conseil des gouverneurs des 18 pays de la région. L'institution monétaire de Francfort (ouest) va lancer en septembre et décembre deux prêts ciblés de quatre ans aux banques de la zone euro, baptisés TLTRO, destinés à les encourager à prêter aux entreprises non financières et aux ménages de la région. Leur particularité, par rapport à deux précédents LTRO lancés fin 2011 et début 2012, est qu'ils seront conditionnés à des prêts effectifs au secteur privé, à l'exception de prêts immobiliers. Les banques pourront emprunter 7% des montants qu'elles auront elles-mêmes prêtés. Dans la foulée, de mars 2015 à juin 2016, toutes les banques pourront emprunter trimestriellement jusqu'à trois fois les montants qu'elles auront prêtés au secteur privé. Tous ces prêts aux banques, dont le taux sur la période l'emprunt sera calculé en fonction du principal taux directeur de la BCE - abaissé jeudi à 0,15% -, auront pour échéance septembre 2018. Mais les banques pourront aussi bien commencer à rembourser à partir de 24 mois. La BCE va également prolonger l'octroi illimité de liquidités à court terme pour les banques, au minimum jusqu'en décembre 2016, et a dit préparer activement un programme de rachat d'actifs adossés à des prêts (ou ABS). Par ailleurs, l'institution monétaire de Francfort a aussi indiqué qu'elle allait arrêter de stériliser les achats de dette publique opérés lors du programme SMP de 2010 à 2012. Cette stérilisation, une incitation aux banques à déposer leurs liquidités sur un dépôt hebdomadaire, était destinée à éviter un surplus de liquidités sur le marché et donc une menace inflationniste. Or l'inflation est très basse en zone euro, à 0,5% en mai selon la première estimation disponible. Soit très loin de l'objectif de la BCE de maintenir la hausse des prix juste sous 2% à moyen terme. Les prévisions de la BCE ont d'ailleurs dû être révisées en baisse: l'institution mise dorénavant sur une hausse des prix de 0,7% seulement cette année, contre 1% escompté jusqu'alors, et attend 1,1% en 2015 et 1,4% en 2016. Pour autant, M. Draghi a continué d'affirmer qu'il ne voyait pas de menace déflationniste se matérialiser. Nous ne voyons pas de déflation (...) nous ne voyons pas les ménages reporter leurs dépenses, l'un des symptômes de ce phénomène de baisse générale des prix et des salaires, a-t-il déclaré. La BCE a aussi revu ses prévisions de croissance. La hausse du Produit intérieur brut (PIB) devrait s'établir à 1% cette année en zone euro, moins qu'attendu il y a trois mois (1,2%), mais ressortir à 1,7% l'an prochain, plus que les 1,5% du précédent pronostic. Priée de réagir face à la faiblesse de l'inflation et au niveau élevé de l'euro, qui pèse sur les exportations de plusieurs pays de la région, la BCE a abaissé jeudi son principal taux directeur, celui auquel se refinancent les banques à ses guichets, à 0,15% (contre 0,25% depuis novembre), un nouveau plus bas historique. Elle a par ailleurs innové en faisant passer en territoire négatif son taux de dépôt, à -0,10%, une première pour une grande banque centrale. Il stagnait à 0% depuis juillet 2012. M. Draghi a fait savoir que ces taux allaient rester un long moment à leur niveau actuel tout en ajoutant qu'ils avaient atteint leurs limites et ne devraient pas descendre plus bas. Les taux d'intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) ont atteint leurs limites et ne devraient pas descendre plus bas, a ajouté son président. Techniquement, je considère que nous avons atteint aujourd'hui les limites en termes de taux bas, a dit M. Draghi, alors que la BCE vient d'abaisser son taux directeur à 0,15%, et de passer son taux de dépôt en territoire négatif (-0,10%). Le taux marginal a été abaissé de 0,75% à 0,40%. Les taux fixés jeudi vont rester à ce niveau un long moment, a prévenu M. Draghi, peut-être plus longtemps que ce qu'on prévoyait auparavant. Il n'a toutefois pas exclu des ajustements techniques à la marge. Depuis qu'elle a pris l'habitude en juillet 2013 de renseigner sur la direction de son action future (forward guidance), la BCE avait toujours dit que les taux resteraient stables ou seraient abaissés si nécessaire, mais M. Draghi a pour la première fois abandonné cette deuxième partie de la phrase. Il a précisé que les taux resteraient à leur niveau actuel jusqu'à ce que l'économie européenne redresse véritablement la tête. Les taux d'intérêt vont grimper quand la reprise reviendra, quand la croissance reviendra, a-t-il dit. Le passage du taux de dépôt en territoire négatif est une première pour une grande banque centrale. Le Fonds monétaire international (FMI) s'est réjoui vivement de la baisse des taux décidée jeudi par la Banque centrale européenne (BCE), tout en soulignant que de nouvelles actions pourraient être nécessaires. Nous nous réjouissons vivement de la position très dynamique adoptée par la BCE aujourd'hui, a déclaré le porte-parole du FMI, Gerry Rice, lors d'une conférence de presse à Washington. Ces derniers mois, le FMI avait appelé à plusieurs reprises l'institution de Francfort à passer à l'action pour éloigner le spectre de la déflation, au point de susciter une certaine irritation en Europe. Début avril, le président de la BCE Mario Draghi avait ainsi ironiquement remercié le FMI pour ses conseils généreux, tout en assurant qu'il ne les suivrait pas. Jeudi, le FMI a encore fait entendre sa petite musique en suggérant que de nouvelles mesures ne sont pas à exclure pour soutenir la relance en Europe. Nous sommes satisfaits que le président Draghi ait indiqué que la BCE serait prête à faire plus si nécessaire, a dit M. Rice.