La Bosnie s'enfonce dans la plus grave crise politique depuis la fin de la guerre intercommunautaire de 1992-95 avec la démission jeudi du Premier ministre, le Serbe Nikola Spiric, en signe de protestation contre des mesures imposées par la communauté internationale. "J'informe l'opinion publique bosniaque que j'ai présenté ma démission auprès de la présidence de la Bosnie", a déclaré M. Spiric lors d'une conférence de presse. Il a ajouté avoir informé les ministres que le mandat du gouvernement était désormais de gérer les affaires courantes jusqu'à la nomination d'un nouveau Premier ministre. Une période d'incertitude s'ouvre pour cette ex-république yougoslave qui, en raison de vifs désaccords entre les politiciens des trois principales communautés (serbe, musulmane et croate), n'arrive pas à adopter des réformes réclamées par Bruxelles en échange d'un rapprochement avec l'Union européenne. La présidence tripartite de Bosnie se réunit vendredi pour examiner la situation. Cette crise a éclaté le 19 octobre, lorsque le Haut représentant de la communauté internationale en Bosnie, Miroslav Lajcak, a imposé des mesures afin de rendre plus efficace le gouvernement local, bloqué par des rivalités ethniques. Ces mesures avaient été aussitôt rejetées par l'ensemble des partis serbes bosniaques, qui généralement s'opposent à toute initiative visant à renforcer les institutions centrales en Bosnie. La démission de M. Spiric intervient au lendemain d'une réunion à Sarajevo du Conseil de mise en oeuvre de la paix (PIC) en Bosnie qui a fermement soutenu les mesures imposées par M. Lajcak. Dans la journée, le bureau du Haut représentant a réagi en affirmant dans un communiqué: "Il est paradoxal que le président du Conseil des ministres démissionne en raison de mesures censées rendre plus efficace le cabinet qu'il dirige". M. Lajcak assure une nouvelle fois que ses décisions ne sont dirigées contre aucune des trois principales communautés de Bosnie, ni contre les deux entités qui la compose. De son côté, l'ambassade de Russie à Sarajevo a critiqué dans un communiqué les décisions de M. Lajcak ayant entraîné la démission du Premier ministre, estimant qu'elles étaient "contre-productives" et ne faisaient qu'aggraver davantage la crise. A Belgrade, le Premier ministre de Serbie Vojislav Kostunica a estimé que le Haut représentant "est responsable de la crise en Bosnie et il aurait été naturel qu'il démissionne". Pour sa part, M. Spiric a assuré que sa démission ne représentait pas "une provocation". "Douze ans après l'accord de Dayton, la Bosnie-Herzégovine n'est malheureusement pas un Etat souverain. Les étrangers ont le pouvoir exclusif de diriger ce pays et je crois que ce n'est pas une bonne chose", a-t-il ajouté. L'accord de paix de Dayton (Etats-Unis), a consacré la division de la Bosnie en deux entités, la Republika Srpska (RS, Serbes) et la Fédération croato-musulmane, unies par de faibles institutions centrales. Les Serbes bosniaques avaient prévenu que leurs représentants allaient démissionner des institutions centrales si M. Lajcak ne revenait pas sur ses décisions. Les changements imposés par M. Lajcak permettraient aux membres musulmans et croates du gouvernement fédéral d'adopter certaines décisions, surtout des projets de lois, sans le consentement des ministres serbes. Pour les décisions définitives du gouvernement, le vote favorable d'un seul ministre appartenant à chaque groupe ethnique suffirait désormais pour les adopter, au lieu de deux par groupe auparavant. Dans le gouvernement central, qui compte dix membres, les portefeuilles sont répartis entre les trois principales communautés.