L'inflation en zone euro est tombée avant-hier à son plus bas niveau en cinq ans, alimentant les craintes de voir la région basculer en déflation, ce qui va relancer les spéculations sur la nécessité pour la Banque centrale européenne (BCE) de prendre de nouvelles mesures pour stimuler l'activité économique. Les prix n'ont augmenté que de 0,3% en septembre dans la zone euro, après +0,4% le mois précédent, a indiqué Eurostat. Si cette première estimation est confirmée, l'inflation sera à son plus bas niveau depuis octobre 2009, mois où elle était en territoire négatif. De quoi alimenter les craintes déflationnistes qui pèsent sur la zone euro depuis des mois, alors que la déflation touche déjà de plein fouet certains pays de la région. En Espagne par exemple, les prix à la consommation ont reculé pour le troisième mois consécutif en septembre, à -0,3% sur un an. En Italie, les prix ont également baissé de 0,1% sur un an, tout comme le mois précédent. Il s'agissait alors d'une première depuis 1959. Le phénomène pourrait même s'étendre puisque l'inflation est tombée en territoire négatif en septembre en Belgique pour la première fois depuis novembre 2009, à -0,12%. La déflation, marquée par une baisse générale des prix, peut finir par gripper la machine économique et créer un cercle vicieux dont il est difficile de sortir. Les consommateurs suspendent certains achats dans l'espoir de nouvelles baisses des prix, les entreprises diminuent leur production pour s'ajuster à la demande, entraînant une baisse des salaires qui, à son tour, fait baisser la demande et les prix. Ces mauvaises nouvelles, conjuguées à un chômage toujours très élevé (11,5% en août), ont relancé les spéculations sur une intervention plus musclée de la BCE, qui se réunit exceptionnellement jeudi à Naples (sud de l'Italie). La BCE "reste pleinement déterminée à contenir les risques pesant sur les perspectives d'inflation à moyen terme. De plus nous nous tenons prêts à user d'instruments non-conventionnels supplémentaires si cela devenait nécessaire", a martelé il y a encore dix jours son président, Mario Draghi. L'institut monétaire a pour objectif de maintenir une inflation proche de 2%.
Réticence côté allemand Conscient des pressions déflationnistes, de la morosité économique ambiante et de la vigueur de l'euro --un handicap pour les exportations-- il a déjà pris une série de mesures, dont l'abaissement de son principal taux directeur à 0,05%, et a lancé un programme de prêts géants aux banques pour revivifier le crédit. Il pourrait aller encore plus loin, via le rachat d'obligations souveraines à grande échelle. Une perspective qui a fait chuter l'euro avant-hier à son plus bas niveau en deux ans, sous 1,26 dollar. De telles mesures tendraient en effet à affaiblir la monnaie unique européenne car elles peuvent se traduire par une baisse de taux d'intérêt, ce qui la rend moins rémunératrice, et par de nouvelles injections de liquidités dans le système financier, ce qui a pour effet de diluer sa valeur. Dans l'immédiat, l'institut monétaire devrait se contenter de donner jeudi le détail des injections de liquidités dans le circuit financier, mises en place pour donner un coup de fouet à l'économie. "Nous soupçonnons une réticence forte au sein du Conseil des gouverneurs (en particulier côté allemand) pour s'engager pleinement vers un assouplissement quantitatif complet sous forme d'achats d'obligations souveraines", estime Howard Archer de IHS Global Insight. "Cela ne se produira que si la zone euro retombe en récession et si l'inflation continue de ralentir", prédit-il. Dans le détail, le taux particulièrement bas d'inflation enregistré en septembre est alimenté par une baisse de 2,4% des prix de l'énergie (après -2% en août). Les prix dans les services ont en revanche augmenté de 1,1% contre 1,3% en août et les prix dans le secteur "alimentation, boissons alcoolisées et tabac" sont repartis modestement à la hausse (+0,2% après une baisse de 0,3%). L'inflation sous-jacente, qui mesure l'évolution des prix sans l'énergie et l'alimentation, éléments très volatils, a elle ralenti à 0,7% contre 0,9% le mois précédent.