Le prix du pétrole suscite de plus en plus de préoccupations, frisant depuis quelques jours la barre des 100 dollars le baril sur les marchés internationaux. L'actuelle hausse des prix est provoquée par la spéculation. C'est l'explication avancée par le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), Abdallah Al-Badri qui a appelé à un durcissement de la réglementation des marchés pétroliers afin de contrer ce phénomène. Pour cette seule année, les prix du brut ont augmenté de près de 60%. Mais cela ne devrait pas durer, selon Eliane Tanner, analyste du crédit suisse. " La barre des 100 dollars pourrait être facilement atteinte, mais nous ne pensons pas que ce niveau va se maintenir. Nous pensons plutôt qu'une fois ce record atteint, les prix ne devraient pas tarder à redescendre ", explique-t-elle.Moncef Kaabi, spécialiste de la banque Natixis, est, pour sa part pessimiste. Il s'attend à une hausse bien au-delà du seuil des 100 dollars le baril. Celui-ci, dans un entretien paru récemment, estime que les prix n'ont pas fini d'augmenter. Et ce mouvement s'inscrit dans le cadre de la progression régulière depuis 2004, " lorsque le prix du baril s'est élevé à 40 dollars ". Cette hausse est d'autant plus solide qu'elle est liée à de nouveaux facteurs : offre et demande de pétrole, problèmes géopolitiques ou encore réallocation d'actifs financiers après la crise des subprimes. Commençons par la demande d'hydrocarbures. " Son niveau restera très élevé en 2008. Et cette hausse provient essentiellement des pays asiatiques, à commencer par la Chine, l'Inde et les autres pays émergents. En revanche, en Europe et aux Etats-Unis, l'augmentation des besoins reste faible. Nos prévisions montrent que l'année prochaine la demande de pétrole devrait être supérieure de 1,8 million de barils/jour (mbj) à celle de cette année ". Face à cette demande croissante, il pense que pour le moment, l'offre n'est pas restreinte. " Elle est limitée par la stratégie de l'Opep, qui n'augmente pas ses capacités pour résoudre les tensions du marché. Les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole disposent en effet d'une capacité additionnelle de 2,7 mbj qui n'est pas utilisée. Tout juste ont-ils décidé de lâcher un tout petit peu de lest en autorisant une augmentation de production d'un million de barils. Le 5 décembre prochain, lors de la réunion de l'Opep à Vienne, il faudrait que l'Organisation propose une augmentation des capacités de production d'un million de barils/jour pour détendre le marché. Et encore faut-il au moins deux mois pour que les prix se calment. Avec un dollar faible et un pétrole payé en dollars, l'Opep continue de privilégier une politique de revenus, c'est-à-dire des prix élevés, plutôt qu'une stratégie de pats de marché ". A la question de savoir si les pays producteurs qui n'appartiennent pas à l'Opep ont les moyens de déjouer les régulateurs de prix, Moncef Kaabi dit : " La Russie, le Mexique et la Norvège qui exploite le pétrole de la mer du Nord, sont au maximum de leur capacité de production. Comme vous le voyez, entre une demande forte et une offre contenue, les prix du pétrole sont orientés à la hausse. Il faut y ajouter les craintes des investisseurs face aux dangers géopolitiques (au Nigeria, en Irak, en Iran et aussi en Turquie) et le climat général anxieux, lié à la crise des subprimes. Les spéculateurs, inquiets de la baisse du marché des actions, se couvrent sur les marchés à terme des matières premières : les métaux, les matières premières alimentaires et bien sûr le pétrole. Tout cela entretien des prix élevés ". M. Kaabi, qui, il y a un an, avait fait des simulations et prévu un baril autour de 120, 130 dollars, dit que c'était avec la crise des subprimes. " Et aujourd'hui il y a beaucoup d'intervenants sur le marché des matières premières. Cependant, grâce à la hausse de la devise européenne, les pays de la zone euro sont un peu moins touchés que la zone dollar. A la question de savoir s'il pense, comme certains experts pétroliers que le " peak oil " est atteint, que l'on a déjà épuisé la moitié des réserves pétrolières planétaires, Moncef Kaabi répond : " Nous disposons de quarante à quarante-cinq années de consommation devant nous. Les réserves diminuent de manière significative aux Etats-Unis, en mer du Nord, au Mexique et beaucoup moins vite dans les pays du Moyen-Orient, où elles sont plus abondantes ". Quant au Canada et au Venezuela, qui envisagent d'augmenter la production de ce nouveau pétrole très lourd, il pense qu' " ils ne s'engageront dans cette production qu'à une seule condition : que les prix du pétrole restent très élevés ". En envisageant la situation à très court terme, il estime que la semaine prochaine, le prix du baril peut très bien baisser de 10, voire de 15 dollars. " Cela dépendra des échéances des contrats sur les marchés à terme et des investisseurs qui voudront réaliser leurs bénéfices. Mais cela ne durera pas. Les prix vont repartir à la hausse parce le marché reste demandeur. Le pétrole cher, c'est notre seule chance d'arrêter de consommer des énergies fossiles, dont on sait qu'elles sont en quantité limitée et qu'elles sont menaçantes pour le climat. Nous n'avons pas d'autre choix que de nous intéresser sérieusement aux énergies alternatives ".