Alors qu'il y a encore 4 mois, les experts s'alarmaient de voir un jour le pétrole à 100 dollars, le baril de brut a dépassé, mardi, et pour la première fois, le seuil des 118 dollars à New York et de 115 dollars à Londres. Des prix encore jamais observés, qui pourraient continuer à grimper en raison, selon certains experts, de la fonte des stocks mondiaux, du sous-investissement dans le secteur pétrolier, et de la dépréciation continue du dollar. Autre inquiétude avancée, les risques géopolitiques accrus, notamment au Nigeria, qui affectent en ce moment même la production du groupe pétrolier Shell. Il y a lieu de noter que cette hausse faramineuse des prix n'est pas due, comme en 1973 ou 1979, à des troubles politiques. Ce n'est pas une hausse provoquée, mais une hausse naturelle, et c'est sans doute beaucoup plus préoccupant. Rien n'indique donc que les prix vont baisser comme ils l'avaient fait en 1985-87. Tout laisse à penser le contraire et qu'ils continueront d'augmenter, ou au moins stagneront.Vas-t-on donc vers un baril à 200 dollars ? Selon une déclaration de la banque d'investissement CIBC, le prix du baril de pétrole pourrait dépasser cette barre dans quatre ans. Pour Jeff Rubin, analyste chez CIBC, le prix du pétrole va fortement augmenter pendant les cinq prochaines années. Il prévoit même qu'il pourrait être multiplié par deux d'ici à 2012. D'après lui, les données officielles ont surestimé le niveau de production de l'or noir. Selon l'analyste, l'augmentation de la production observée par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) vient principalement de tous les gaz naturels liquides comptabilisés dans les chiffres, alors que celle du pétrole n'a pas beaucoup évolué, et "augmentera difficilement", a ajouté CIBC. De plus, Rubin ne pense pas que la demande puisse diminuer bientôt, arguant que les pays émergents consommeront plus de pétrole que les pays de l'OCDE dans quatre ans. Ce qui l'amène à dire que "malgré les récents records établis par le baril, celui-ci va fortement augmenter pendant les cinq prochaines années". Cette prévision n'est toutefois pas partagée par tous les analystes. Standard & Poor's a indiqué, jeudi, que le cours de "light sweet crude" pourrait revenir aux alentours des 90 dollars le baril avant la fin de l'année, en précisant cependant que ce chiffre était à prendre en compte avec une marge de plus ou moins 50 dollars. Il faut dire que les spéculations sur les prix du baril vont bon train. Le président de la Société russe du gaz et vice-président de la Douma, Valeri Iazev, a estimé que les cours pétroliers continueront de monter et que le prix du baril pourrait atteindre 160 dollars. "Je sais quand le baril coûtera 160 dollars même si pour d'aucuns ce chiffre semble exotique aujourd'hui", a-t-il indiqué devant des journalistes jeudi. Les prix devraient se maintenir "au moins à 90 dollars", a estimé lundi le ministre vénézuélien du Pétrole, Rafael Ramirez, en marge du Forum international de l'énergie, qui a réuni de dimanche à mardi, à Rome, des pays producteurs et consommateurs de pétrole. Le Fonds monétaire international (FMI) s'attend lui aussi à ce que les prix restent autour de 95 dollars le baril en 2009, et à moyen terme "généralement élevés". Une opinion largement partagée au sein de la communauté pétrolière, en particulier par le patron du groupe italien d'énergie Enel, Fulvio Conti. Évidemment, il faut prendre ces prévisions pour ce qu'elles sont : des prévisions.