L'Union européenne n'envisage pas de lever ses sanctions antirusses mais ne veut pas non plus les renforcer, selon les propos du ministre polonais des Affaires étrangères Grzegorz Schetyna rapportés hier par le quotidien Novye Izvestia. Grzegorz Schetyna a souligné que les sanctions contre la Russie devaient rester en vigueur: "Il ne s'agit pas de les annuler mais seulement de ne pas les accentuer, de ne pas achever la Russie". Un tel aveu de la part du chef de la diplomatie d'un pays traditionnellement critique par rapport à Moscou est très révélateur. Pour beaucoup, il intervient en réaction à des événements récents et notamment au dernier sommet de l'UE qui s'est déroulé en fin de semaine dernière à Bruxelles. Selon l'agence de presse allemande Deutsche Welle, suite à cette réunion de l'UE le président français François Hollande était manifestement satisfait de l'absence de nouvelles sanctions contre Moscou. Ce dernier prévoit même une levée progressive des sanctions en cas de respect du cessez-le-feu dans le Donbass. La position de François Hollande est tout à fait compréhensible. Tout d'abord la France - tout comme l'Allemagne - a des liens assez importants avec les entreprises russes. Ensuite, le président de la République veut reprendre à Angela Merkel le rôle d'interlocuteur principal de la Russie et augmenter ainsi sa popularité, aujourd'hui très faible. Enfin, Paris est menacé par des amendes de plusieurs milliards en cas de non-respect du contrat de livraison des porte-hélicoptères Mistral à la Russie. Le chancelier autrichien Werner Faymann et le premier ministre italien Matteo Renzi ont également soutenu les propos de François Hollande, se prononçant contre le renforcement de la pression sur la Russie. La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini est également de cet avis: "La situation financière difficile de la Russie est une mauvaise nouvelle non seulement pour les Russes mais aussi pour l'Ukraine, l'Europe et le reste du monde". Malgré tout, les partisans d'une approche dure envers Moscou sont toujours majoritaires. A leur tête: la chancelière allemande Angela Merkel, qui avait maintenu des relations tout à fait normales avec Vladimir Poutine avant la crise en Ukraine. Parmi d'autres poids-lourds européens il faut notamment citer le premier ministre britannique David Cameron - une vieille tradition britannique veut que plus dure est la situation en Russie, plus avantageuse elle l'est pour la Grande Bretagne - et Donald Tusk, président du Conseil européen et ancien chef du gouvernement polonais. Les pays baltes, ex-membres de l'Union soviétique, maintiennent eux aussi des positions très antirusses. Ce camp des faucons est pourtant tout sauf uni. Son "maillon faible" pourrait être Frank Walter Steinmeier, ministre allemand des Affaires étrangères. Suite au dernier sommet du G20 et aux propos sévères d'Angela Merkel, le chef de la diplomatie allemande a ouvertement appelé sa dirigeante à plus de retenue, au moins en public. On disait à l'époque qu'il s'agissait tout simplement d'une ruse tactique et que Merkel et Steinmeier jouaient au "bon flic - mauvais flic". Toutefois, après de nombreuses déclarations similaires de Frank Walter Steinmeier et notamment son interview accordée au Spiegel, publiée vendredi dernier, même les observateurs les plus sceptiques sont désormais persuadés de la différence des opinions de Merkel et Steinmeier sur la question russe. "Nous n'avons aucun intérêt à ce que la situation devienne incontrôlable, a déclaré Steinmeier au sujet des événements brutaux dans l'économie et les finances russes. Je vous préviens: de nouvelles sanctions ne renforceront pas la sécurité de l'Europe comme le pensent les partisans de leur adoption".