La demande mondiale explose et les prix des matières premières agricoles flambent. En Occident, les populations s'étaient habituées aux greniers gorgés de céréales, aux surplus de lait et aux cageots de fruits qui pourrissaient sur le bord des routes. Qui aurait pu imaginer cela au printemps dernier, sur le marché de Hanovre, en Allemagne, la pomme de terre a battu son record historique : 316 euros la tonne. Dix fois plus en quatre ans. Du côté des autres matières, comme le bléqui a augmenté de 140 % en une année, le soja (+67%), le maïs (+50%), le lait en poudre (+67%), le beurre (+48%)... c'est le même son de cloche. Mais l'abondance pourrait bien être derrière nous. La célèbre phrase de Paul Valéry, "Le temps du monde fini commence') n'a jamais été aussi actuelle, analyse Philippe Chalmin, professeur d'histoire économique à l'université de Paris- Dauphine et auteur du livre "le Poivre et l'or noir" (Bourin Editeur). Notre terre est en train d'atteindre ses limites alimentaires. Il va falloir apprendre à gérer la rareté." Et cerise sur le gâteau, tout s'est ligué récemment pour faire des récoltes un bien de plus en plus précieux. Il y a eu les accidents climatiques, les sécheresses en Australie et en Nouvelle-Zélande, la météorologie capricieuse en Europe, le froid sibérien en Ukraine et en Russie. .. Il y a eu aussi la concurrence des biocarburants (à base de maïs), le fameux pétrole vert qui nourrit déjà, de par le monde 8 millions de voitures et de camions, autant de nouveaux consommateurs voraces. Et ce n'est qu'un début. Sur 300 millions de tonnes de maïs récoltés chaque année aux Etats-Unis, 10 millions étaient consacrés aux biocarburants au tournant de l'an 2000. Le chiffre s'est élevé à 65 millions cette année et devrait atteindre 140 millions en 2012. Cela fait autant d'épis en moins sur les marchés et de boîtes de conserve supprimées dans les supermarchés. Or, la planète est de plus en plus gourmande. Les stocks mondiaux de céréales sont au plus bas depuis trente ans et les cours continuent de s'envoler. "Le principal défi des nouvelles générations sera alimentaire”, indique Bruno Parmentier, professeur à l'Ecole supérieure d'Agriculture d'Angers et auteur de "Nourrir l'humanité" (La Découverte). En 2050, il y aura 10 milliards d'êtres humains sur la planète. Il faudra les nourrir avec moins de terres, moins d'eau, moins d'énergie et moins de chimie. Autant dire qu'une nouvelle révolution verte s'impose. Et vite. Chaque année, l'agriculture mondiale perd, en érosion et en urbanisation, 70 000 kilomètres carrés de terres. L'équivalent d'un territoire grand comme la moitié de la Grèce. Un chiffre qui résume à lui seul l'inéluctable. Pour l'instant, nous sommes quatre pour nous partager un hectare de cultures. En 2050, nous serons six...