Une inflation qui ralentit mais une croissance censée s'accélérer: la Banque du Japon (BoJ) s'est montrée sereine cette semaine face au "déclin significatif des cours du pétrole" qui, elle en est convaincue, stimulera à terme l'économie nippone, avec l'aide de ses mesures exceptionnelles. "L'évolution des prix va ralentir dans l'immédiat", mais "pour l'archipel, qui importe en masse des hydrocarbures (en particulier depuis l'accident nucléaire de Fukushima), l'effondrement du brut finira par être un élément positif" pour l'activité, et par là-même pour l'inflation, a estimé le gouverneur Haruhiko Kuroda lors d'une conférence de presse. Pour l'heure, la dégringolade des prix de l'or noir complique en tout cas la tâche de la banque centrale qui a dû baisser sa prévision pour la période d'avril 2015 à mars 2016, tablant désormais sur +1%, à comparer à sa précédente estimation de 1,7%. Malgré tout, la BoJ croit toujours possible d'atteindre l'objectif ultime de 2% "aux alentours de l'exercice 2015-2016". "L'échéance peut varier selon l'évolution des prix de l'or noir, soumis à de brusques fluctuations", a toutefois précisé M. Kuroda. "Je n'ai jamais dit qu'il serait atteint en avril 2015", soit deux ans après le lancement de la politique dite d'"assouplissement quantitatif et qualitatif", s'est-il par ailleurs justifié, alors que de nombreux observateurs se montrent pressants. La banque centrale a radicalement réformé sa stratégie en avril 2013 en instaurant un programme de rachat d'actifs de grande ampleur, un exemple que la Banque centrale européenne (BCE) pourrait suivre jeudi, à l'opposé du resserrement monétaire qui se profile aux Etats-Unis. Ce dispositif, reconduit à l'identique ce jour par huit voix contre une après le récent assouplissement du 31 octobre, vise à vaincre la déflation qui a miné l'archipel pendant une quinzaine d'années. Le tout s'inscrit dans le cadre des "abenomics" du Premier ministre Shinzo Abe.
Nouveau geste inévitable Ce sont désormais 80 000 milliards de yens (près de 600 milliards d'euros) qui sont annuellement injectés dans les circuits. Dans un premier temps, le choc psychologique a été salutaire et les grandes firmes exportatrices ont loué la dépréciation du yen qui s'en est suivie. Mais les consommateurs, dont les salaires n'ont pas progressé au même rythme, ont déploré une inflation synonyme de moindre pouvoir d'achat, un phénomène qui s'est accentué avec l'entrée en vigueur le 1er avril 2014 d'une TVA à 8% (contre 5% auparavant). Conséquence, la demande intérieure a chuté, le Japon est retombé en récession et l'inflation a ralenti pour tomber à 0,7% en novembre (en excluant l'impact de la hausse de taxe). Contre vents et marées, la BoJ maintient au fil des réunions son diagnostic sur une "reprise modérée", jugeant que les effets de la pression fiscale accrue s'estompent progressivement. Elle a même relevé mercredi ses estimations de croissance: le produit intérieur brut (PIB) est dorénavant attendu en hausse de 2,1% sur la même période d'avril 2015 à mars 2016 (contre 1,5% auparavant). Ces chiffres sont bien supérieurs à ceux divulgués un peu plus tôt cette semaine par le Fonds monétaire international (FMI), qui table sur une modeste progression de 0,6% en 2015. "La BoJ est trop optimiste", lance Marcel Thieliant, analyste de Capital Economics, estimant que "l'inflation a marqué le pas ces derniers mois pour d'autres raisons que les coûts de l'énergie". Même en cas d'augmentations salariales, ardemment souhaitées par le gouverneur, "les chances d'atteindre l'objectif de 2% sont minces sans assouplissement monétaire supplémentaire", prédit-il. Son avis est partagé par Koya Miyamae, de SMBC Nikko Securities, selon des propos rapportés par Bloomberg News. A la fin de l'année, "il sera difficile pour la BoJ de continuer à prétendre que l'inflation atteindra 2% à l'horizon de mars 2016. A ce moment-là, elle sera contrainte d'étendre son soutien à l'économie". D'autres économistes anticipent un geste dès le mois de juillet. A mi-chemin dans son combat contre ce qu'il qualifie de "maladie chronique de la déflation", Haruhiko Kuroda a réaffirmé être prêt à procéder à des "ajustements sans hésiter" si sa cible semblait hors de portée. "Le traitement doit être administré jusqu'au bout", a-t-il coutume de dire.
Production industrielle en recul La production industrielle du Japon s'est repliée de 0,5% en novembre comparée à celle d'octobre, un premier recul en trois mois légèrement moins important qu'annoncé fin décembre (-0,6%), selon les chiffres révisés communiqués par le ministère de l'Industrie. Sur un an, elle a perdu 3,7%. D'après la même source, ce petit recul est à mettre au compte d'une fabrication ralentie d'équipements industriels, de machines électriques et de produits issus de l'industrie métallurgique. En novembre toujours, les livraisons ont diminué de 1,4% (valeur inchangée), tandis que les stocks se sont élevés un peu plus qu'estimé de 1,1% contre +1,0%. La production industrielle nippone évolue en dents de scie au fil des mois, les entreprises réagissant très rapidement aux soubresauts sur le marché intérieur et aux évolutions de conjoncture à l'extérieur. Les variations brutales ces dernières semaines des cours des monnaies et du prix du pétrole sont des facteurs qui jouent sur leur façon de gérer la production dans l'archipel et à l'étranger. Selon un sondage mené par le ministère avant l'annonce des chiffres préliminaires de novembre, les entrepreneurs se montraient très optimistes: ils prévoyaient un net rebond de la production en décembre (+3,2%) et en janvier (+5,7%).