La Banque centrale européenne a commencé lundi à racheter des titres dettes publiques sur les marchés, sans faire de vagues, dans le cadre de son programme destiné à redynamiser la machine grippée de l'économie en zone euro. "La BCE et les banques centrales de l'Eurosystème ont commencé, comme précédemment annoncé, à mener des rachats dans le cadre du programme de rachat de dettes du secteur public", a annoncé l'institution monétaire européenne sur le réseau social Twitter. Alors que la BCE s'affiche très optimiste sur les effets de sa politique, le président de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann, a redit lundi son "scepticisme" à l'égard de cette planche à billets nouvelle version. L'Eurosystème "devient ainsi le plus gros créancier des Etats", a-t-il déploré. Il craint "une accoutumance (...) qui mènera à ce que les pays repoussent sine die la consolidation nécessaire des budgets publics". Ce plan de soutien à l'Union monétaire s'élèvera à 60 milliards d'euros par mois jusqu'à septembre 2016 au moins, soit a minima 1 140 milliards d'euros. Ce programme a "déjà des conséquences" sur l'économie réelle ainsi que sur l'euro et "cela va continuer", estime Frédérik Ducrozet, un économiste de Crédit Agricole CIB. La simple annonce a déjà œuvré dans le bon sens, s'est félicité dès jeudi le président de la BCE Mario Draghi, notant l'amélioration des conditions de crédit en zone euro pour les ménages et les entreprises. Pour mesurer l'avancement concret du programme, il faudra attendre chaque lundi vers 14H30 GMT, moment où le montant des transactions réalisées sur la semaine passée sera publié sur le site de la BCE. Un compte-rendu plus détaillé sera aussi dévoilé chaque mois. Les banques centrales nationales - Bundesbank, Banque de France et autres - seront les principales exécutantes: elles effectueront 92% des achats. Depuis l'automne dernier les banques centrales rachètent déjà de la dette privée, à savoir des obligations sécurisées et les ABS, des titres adossés à des crédits. La nouveauté lundi ce sont les achats massifs des titres de dette émis par les Etats de la zone euro qui se feront uniquement sur le marché secondaire. Dans le détail, les rachats d'obligations publiques devraient avoisiner les 50 milliards d'euros, tandis que les achats de dette privée environ 10 milliards d'euros.
Risque d'indigestion Les opérations menées ce lundi se sont bien déroulées, souligne-t-on à la BCE, où trois personnes étaient chargées de conduire les premiers rachats. Sur le marché obligataire, les effets de ce vaste programme se font déjà sentir depuis plusieurs semaines. Les taux, qui évoluent en sens inverse de la demande, ont récemment été propulsés à des plus bas historiques, certains devenant même négatifs sur les échéances les plus courtes, ce qui signifie que les investisseurs sont prêts à payer pour détenir ces titres jugés très sûrs. "L'Allemagne est de loin le principal bénéficiaire" de ce programme, affirme René Defossez, un stratégiste obligataire de Natixis. Le rendement à 10 ans de la dette allemande a reculé à 0,312% lundi, après avoir terminé à 0,393% vendredi, tandis que ses taux d'emprunt étaient négatifs jusqu'à 6 ans inclus. Les investisseurs vont se trouver confrontés à une demande massive de dette allemande alors même que les émissions nouvelles vont rester limitées. Pour M. Ducrozet, il y a "un risque d'indigestion à court terme". Cependant, la BCE a promis de tout faire pour que les achats soient "neutres sur le marché", c'est-à-dire ne conduisent pas à des variations erratiques des cours. "Il y a des possibilités de réagir si jamais nous voyons des distorsions sur les marchés", ajoute une source proche de la banque centrale. En revanche, il n'y avait pas lundi de "réaction spectaculaire" du côté des taux d'emprunt des pays du sud de l'Europe, les investisseurs ayant largement anticipé le programme et restant dans l'attente de détails, soutient M. Ducrozet. De leur côté, les marchés actions se sont appuyés sur les annonces de la BCE pour grimper depuis le début de l'année. Mais lundi, leur évolution, face au démarrage largement attendu de ce programme, a été limitée: la Bourse de Paris a perdu 0,55%, celle de Londres 0,51% et la Bourse de Francfort a avancé de 0,27%. Mustapha S.