Mel Watni le premier long métrage de Fatima Belhadj, présenté en avant- première samedi dernier à la salle El Mougar, ramasse quelques fragments d'œuvres qui ont marqué l'univers culturel d'ici et du monde. La réalisatrice, habituée depuis peu à quelques produits télévisuels, genre skeetch chorba, feuilletons moraux, a pondu cette fois-ci un film où l'on retrouve un peu de tout. Le contexte dans lequel s'introduisent les personnages dont la plupart sont des femmes, est celui du terrorisme. Terreur encore vivace chez la réalisatrice qui ne semble sans doute pas encore avoir fait son deuil après l'assassinat de sa propre frangine, dans la forêt de Bouchaoui, au moment où le terrorisme battait son plein. Dans, Mel Watni, six femmes, une mère veuve, ses quatre filles célibataires, une cousine et un neveu attardé mental, se partagent un espace glauque, qui rappelle fortement cette ambiance de Dar Sbitar. L'on retrouve ces références de la stiha où les filles célibataires lavent le linge, tirent l'eau…sous le regard non pas des voisins mais de l'attardé mental, logé comme, dans la métamorphose de Kafka, dans un espace clos. Ce personnage interprété par Salah Ougourt est hilarant. “Il y a trop de cris, trop de grimaces….C'est tout ce qu'on peut montrer de l'Algérie ? ” se révolte un cinéphile qui a quitté la salle au bout d'une demi-heure. Hilarant le personnage dans son costume d'être qui ne ressemble ni aux hommes castrés ni aux bêtes encagées, mais plutôt entre les deux. La réalisatrice pousse un peu fort les situations allant jusqu'à condamner ce même personnage dans un immense sandouk aux symboles ancestraux. La veuve campée par Chafia Boudraâ, est resté depuis les années 1970 dans son costume de Lala Aïni, cette mère courage à cheval sur la morale et les taches domestiques. “Ce film est une copie pâle d'El Hariq ” remarque le cinéaste Amar Laskri qui a quitté la scène alors que le public réagissait sympathiquement au récit. Dans cet espace absolument glauque où les filles passent le plus clair et le plus obscur de leur temps à fournir des pates de tous genres aux marchés et aux magasins pullulants, installés dans les quartiers populaires d'Alger. C'est encore la maman qui s'invente un espace dans les marchés bruyants pour vendre cette marchandise, debout face à une table de fortune. A la maison où il n'y a aucune âme masculine qui vive hormis le neveu malade, les sœurs sont d'un hystérisme qui frôle la folie, et leur seule distraction est de se mettre lors de calmes relatifs en face d'une série orientale, ou des films brésiliens traduits. Cette hystérie nous la sentons avec bien sûr beaucoup de nuances, puisée dans le formidable, Femmes au bord de la crise de nerfs du géant Almodovar. A regarder de près, cette Lala Aïni ressemble aussi au personnage de Bernarda Alba, du fameux texte de Federico Garcia Lorca, La maison de Bernarda Alba. Ce que rajoute en fait la réalisatrice qui a fait ce film dans le cadre de “ Alger, capitale de la culture arabe”, c'est sa chute brutale où toutes les femmes sont décimées sous les yeux apeurés et la voix tremblotante du malade mental.