Les chefs de la diplomatie des grandes puissances et de l'Iran se sont réunis hier à Lausanne pour tenter de donner l'impulsion finale aux négociations complexes sur le nucléaire iranien. Ils espèrent arracher une entente de principe d'ici demain. La frénésie diplomatique s'est emparée samedi de Lausanne, où les grandes puissances et l'Iran ont entamé un week-end d'intenses discussions pour arracher un compromis historique sur le nucléaire, le chef de la diplomatie iranienne se montrant optimiste avant la date butoir. Dans un de ces brusques changements de tonalité qui marquent le feuilleton des négociations sur le nucléaire iranien, Mohammad Javad Zarif a jugé possible que tous les problèmes puissent être résolus. La veille, les négociateurs occidentaux et iraniens faisaient état de discussions très difficiles et de nombreux points de blocage. Je pense que nous avons fait des progrès, a déclaré samedi M. Zarif, tout en exhortant ses partenaires occidentaux à prendre des décisions. Nous avançons et je pense que nous pouvons faire les progrès nécessaires pour résoudre toutes les questions et commencer la rédaction d'un texte qui deviendra un accord final, a-t-il affirmé, après s'être entretenu séparément avec ses homologues allemand Frank Walter Steinmeier et français Laurent Fabius. Ce dernier ne s'est pas montré aussi optimiste, se contentant de répondre' on travaille et on essaye d'avancer' aux journalistes qui le pressaient de questions après sa rencontre avec l'Iranien. Les pays du P5+1 (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine et Allemagne) et l'Iran sont censés aboutir d'ici mardi à une entente de principe sur le nucléaire iranien. La difficulté est à la hauteur de l'enjeu: résoudre une crise qui empoisonne les relations internationales depuis 12 ans, et concrétiser un énorme travail de négociations entamé il y a un an et demi entre Téhéran et les pays du P5+1.
Le dénouement commence Je peux seulement espérer qu'au regard de ce qui a été fait au cours des douze derniers mois, les efforts pour (parvenir) à un accord final ne seront pas abandonnés, a lancé le chef de la diplomatie allemande Frank Walter Steinmeier à son arrivée. Le dénouement commence, a-t-il dit, estimant que, comme pour un sommet de montagne, les derniers mètres étaient les plus difficiles et les plus décisifs. Dans la matinée, Laurent Fabius avait été le premier ministre européen à rallier les pourparlers, menés par le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, qui négocient depuis deux jours sur les bords du lac Léman. Réputé comme l'un des négociateurs les plus intransigeants, au risque parfois d'irriter ses partenaires du P5+1, M. Fabius a répété qu'il venait avec le souhait d'avancer vers un accord robuste. L'Iran a droit au nucléaire civil, mais en ce qui concerne la bombe atomique, c'est non, a-t-il dit, reprenant sa formule favorite pour souligner l'enjeu d'un accord. La chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, doit se joindre aux pourparlers dans la soirée. Les chefs de la diplomatie chinoise, russe et britannique, sont attendus dimanche à Lausanne, même si la venue des deux derniers n'a pas encore été officiellement annoncée.
Négociations matin, midi et soir L'objectif de l'accord recherché depuis un an et demi est de s'assurer que l'Iran ne cherchera pas à se doter de la bombe atomique, en échange d'une levée des sanctions internationales qui asphyxient son économie. Les négociateurs se sont donné jusqu'au 31 mars pour parvenir au minimum à une entente de principe (le texte agréé, énumérant une série de paramètres sur des sujets comme l'enrichissement d'uranium, les sanctions, la recherche et le développement, ne serait pas forcément rendu public, selon des diplomates), avant de finaliser tous les détails techniques pour aboutir à un accord final avant le 30 juin. Les négociations sont difficiles et il y a des désaccords. Nous tentons de les résoudre, avait déclaré vendredi M. Zarif, tandis que, depuis Washington et Berlin, le président américain Barack Obama et la chancelière allemande Angela Merkel ont exhorté Téhéran à prendre les décisions nécessaires pour résoudre les problèmes qui demeurent. A une journaliste qui demandait samedi matin à MM. Kerry et Zarif s'ils s'attendaient à une bonne journée, le premier a souri: Nous nous attendons à une soirée aujourd'hui, tandis que son homologue iranien ajoutait: soirée, nuit, minuit, matin... La levée des sanctions et la question de la recherche et du développement dans le domaine nucléaire sont les deux principaux sujets qui posent encore problème, ont affirmé séparément des diplomates iraniens et occidentaux. L'Iran demande la levée de toutes les sanctions internationales, particulièrement les mesures onusiennes, alors que pour les pays occidentaux cette levée ne peut être que graduelle. Téhéran insiste également pour pouvoir faire de la recherche et du développement notamment afin d'utiliser à terme des centrifugeuses plus modernes et plus puissantes pour enrichir l'uranium. Mais les pays occidentaux et Israël estiment que le développement à terme de telles centrifugeuses permettra à l'Iran de réduire le breakout, temps nécessaire pour avoir suffisamment d'uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique.
John Kerry renonce à un voyage à Boston Signe que les négociations sont entrées dans une phase décisive, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a annulé un voyage prévu aujourd.hui à Boston, a annoncé dimanche matin le département d'Etat. Selon les différentes délégations présentes à Lausanne, des divergences subsistent cependant sur quelques questions clés. "Nous n'avons jamais été aussi près d'un accord, toutefois nous avons toujours des points critiques à résoudre", a déclaré la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini. Et selon le chef des négociateurs russes, Sergueï Riabkov, cité par l'agence Ria-Novosti, "les chances (de parvenir à un accord) sont de plus de 50%".
Tractations laborieuses Celles-ci sont menées tambour battant depuis des mois par les deux poids lourds du dossier: l'Américain John Kerry et l'Iranien Mohammad Javad Zarif. Les deux hommes sont impliqués depuis un an et demi dans des tractations éprouvantes et laborieuses. Ils ont besoin d'un accord d'étape. Celui-ci pourrait leur permettre de tenir le cap et d'acheter du temps face à leurs faucons respectifs et face aux puissances régionales hostiles à tout compromis.
"Etape importante" La date fixée pour un accord final, incluant toutes les annexes techniques de ce dossier, est fixée au 30 juin. Mais fin mars est aussi une "étape très importante" pour permettre aux négociations de se poursuivre, reconnaissent plusieurs diplomates. Personne ne sait encore quelle forme prendra cette entente. "Je pense que l'option la plus probable est qu'ils vont faire une annonce, dire qu'ils sont parvenus à un accord sur les éléments clés, et qu'ils vont passer les trois prochains mois à écrire le brouillon de cet accord et son plan de mise en œuvre", estime Ali Vaez, spécialiste du centre de réflexion International Crisis Group.