Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a tenté samedi d'obtenir de ses homologues européens un front uni dans les négociations avec Téhéran sur son programme nucléaire controversé, alors que la France vient de réclamer un accord plus solide que celui envisagé. La réunion a eu lieu dans l'après-midi au Quai d'Orsay avec les chefs de la diplomatie française Laurent Fabius, britannique Philip Hammond et allemand Frank-Walter Steinmeier. La chef de la diplomatie de l'Union européenne Federica Mogherini était également présente. Cette rencontre vient clôturer une semaine de négociations sur le programme nucléaire iranien à Montreux (Suisse), où M. Kerry a rencontré à plusieurs reprises son homologue iranien Mohammed Jawad Zarif. Les négociations doivent reprendre le 15 mars, probablement à Genève. Les discussions sont censées aboutir à un règlement politique avant le 31 mars, alors que la finalisation des détails techniques est espérée d'ici le 1er juillet. Lancé dans un marathon diplomatique pour tenter de respecter ce calendrier serré, John Kerry ne semble pas encore avoir convaincu tous ses partenaires européens. Vendredi, Laurent Fabius a ainsi laissé poindre un certain scepticisme, jugeant la situation «encore insuffisante». «Il y a des progrès à faire», a-t-il indiqué en faisant allusion au nombre de centrifugeuses iraniennes que Téhéran pourrait conserver, le «breakout time», c'est-à-dire le temps qu'il faudrait à l'Iran pour fabriquer une bombe et le contrôle qui serait exercé par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur les stocks de combustible nucléaire iraniens. Peu avant, l'Italienne Federica Mogherini avait au contraire affiché son optimisme. «Je crois qu'un bon accord est à portée de main», a-t-elle affirmé à des parlementaires européens. «Il nous faut désormais courir le dernier kilomètre, qui est une distance faite plus de volonté politique que de négociations techniques», a-t-elle ajouté. Dissonnances franco-américaines Officiellement Paris assure qu'il «n'y a pas de divergence entre la France et les Etats-Unis» ni au sein du groupe international chargé de négocier avec Téhéran, «ni sur le rythme des négociations, ni sur leur contenu». Des voix dissonnantes se font toutefois entendre de source proche des négociations. Il y a «désaccord» entre la France et les Etats-Unis qui poussent pour un accord avec Téhéran et les Européens ne sont pas à la table des négociations entre Américains et Iraniens. In fine, il y aura une «décision politique» mais ce ne sera «pas un bon accord, moins que ce que veut la France», indique cette source sous couvert d'anonymat. Le groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Allemagne) exige que l'Iran réduise ses capacités nucléaires afin d'empêcher Téhéran de rassembler suffisamment d'uranium enrichi pour pouvoir fabriquer un jour une bombe atomique. L'Iran revendique de son côté son droit à une filière nucléaire civile complète et demande la levée totale des sanctions économiques occidentales. «La non prolifération nucléaire (...) est une question sécuritaire qui intéresse le monde entier», a souligné vendredi Mme Mogherini. «Il n'y aura pas d'accord si ce n'est un bon accord et c'est un message que nous devons passer à nos amis et partenaires», a-t-elle toutefois nuancé, alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a martelé cette semaine à Washington qu'«un accord avec l'Iran ne l'empêchera pas de produire des bombes atomiques». Les grandes puissances doivent aussi composer avec l'inquiétude des monarchies sunnites du Golfe face aux conséquences d'un éventuel accord l'Iran chiite. Qu'il y ait ou non un accord, les Etats-Unis demeureront «pleinement engagés» face aux «actes déstabilisateurs»de l'Iran, «y compris son soutien au terrorisme», a répété M. Kerry lors d'une conférence de presse avec son homologue saoudien Saoud Al-Fayçal. L'Iran s'est impliqué dans la lutte contre le groupe Etat islamique en Syrie et en Irak, et est accusé de soutenir la milice chiite des Houthis au Yémen qui s'est récemment emparée du pouvoir dans la capitale Sanaa. La question du nucléaire iranien oppose la communauté internationale et l'Iran depuis une douzaine d'années. Les négociations, relancées en novembre 2013, ont déjà été prolongées à deux reprises.