Il n'a pas tourné ne serait-ce qu'une image depuis plus d'une dizaine d'années. Brahim Tsaki a frôlé la dépression, lorsqu'il vivotait en RMiste dans le Paris des lumières. Et çà a duré des années, avant que Belkacem Hadjadj ne lui tende la main et lui ouvre sa société de production, “ Machaho prod” afin de mettre le récit qu'il traînait dans son esprit comme un fardeau, en images. Et puis, il y a eu “Alger, capitale de la culture arabe ”, un événement qui a aidé la naissance de films, et la “ re-naissance ” de certains réalisateurs oubliés. Ayrouwen veut dire Il était une fois. Le titre est en chleuh, cette langue des hommes bleus enracinés dans l'immensité des vagues du désert. Le film de Tsaki a été projeté lundi dernier à la salle El Mougar, en présence de toute l'équipe particulièrement émue de la sortie de ce long métrage tourné au cœur des montagnes vaillantes de Taghit. “Je suis très touché, c'est une expérience exceptionnelle” confie Larbi Arezki, artiste-peintre et décorateur du film. “Remerciez l'équipe, remerciez l'équipe... ” lance Brahim Tsaki, sous les projecteurs. Très métaphorique, à la limite de la poésie, Ayrouwen, est un regard sur les rapports Nord-Sud, celui de la nature parfois généreuse, parfois aride et celui des hommes parfois meilleurs et parfois pires. Le personnage principal, une Palestinienne dénichée lors d'un casting à Paris, a porté tous les films sur ses épaules. Brahim Tsaki parle d'amour, surtout d'amour entre deux êtres que les distances, que les montagnes maudites éloignent. Il parle presque comme un mystique du rapport de l'âme au corps, du corp à corps; et de l'âme à l'âme. Pour lui les distances ne peuvent altérer l'amour parce qu'il vit dans l'âme, dans le sang qui circule dans les veines, au rythme des battements du cœur. Le corps n'est qu'une carapace qui porte le tout comme un vêtement ferreux. Le Sud est le paradis perdu de par son esthète, mais il est aussi source de malheur, parce que les hommes du Nord y ont implanté les graines maudites. L'eau de la source est polluée. Et l'amant déchiré par les absences en mourra, après s'être abreuvé auprès de cette montagne maudite. Comme les comptes des Mille et Une Nuits, Tsaki pond un des rares films en Chleuh, la langue des hommes libres qui n'ont jamais eu besoin de fioritures pour vivre comme Paul et Virginie en harmonie avec la nature, rude soit-elle. Atemporel est le film qui célèbre l'amour à travers les sérénades des dunes de sable que les vents violents font valser. Les hommes du Nord portent en eux tout comme cette source maudite, les germes de la mort. Et l'argent comme l'eau souillé devient mortel. Ni les passions, ni la nature ne peuvent en venir à bout. Le réalisateur a sans doute rêvé du monde mythique où tout “ est calme et volupté”.