Le pétrole a terminé en nette hausse jeudi, le marché se basant sur une baisse de la production américaine, ainsi que sur les préoccupations géopolitiques au Moyen-Orient, pour rebondir sur sa chute du début de semaine. Le prix du baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en juillet, désormais contrat de référence, a gagné 1,74 dollar à 60,72 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), après avoir déjà gagné environ un dollar la veille. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet a terminé la séance à 66,54 dollars, en hausse de 1,51 dollar par rapport à la clôture de mercredi. Les cours sont "soutenus par une foi inébranlable dans l'idée qu'une baisse de la production américaine de pétrole de schiste, accompagnée par une hausse de la demande, vont se traduire par une hausse de prix", a jugé Tim Evans de Citi. En ce sens, le Département américain de l'Energie a donné un soutien au marché en faisant état mercredi, dans ses chiffres hebdomadaires sur l'état des réserves aux Etats-Unis, d'une baisse des stocks, la troisième d'affilée, d'un déclin de la production et d'une demande solide d'essence. "Le moral semble s'être amélioré avec la baisse des stocks de brut américains, largement liée à l'approche de la saison des grands déplacements aux Etats-Unis, les raffineries ayant accéléré leurs cadences", a commenté Kash Kamal, analyste chez Sucden. Néanmoins, certains observateurs restent sceptiques et soulignent que les cours, qui avaient baissé de plus de deux dollars le baril mardi et sont donc à peine plus haut qu'en début de semaine, semblent surtout chercher à se stabiliser après un rebond d'une quinzaine de dollars depuis la mi-mars.
Long week-end "Je ne vois rien qui justifie vraiment la montée des cours", a reconnu James Williams de WTRG Economics. "Les chiffres d'hier encouragent un peu à la hausse, mais pas tant que ça." "Pour certains, ils montrent que la production va un peu baisser, mais certaines entreprises semblent déjà prêtes à reprendre les forages", a-t-il précisé. "La production américaine ne devrait pas baisser à un point tel que cela justifie une hausse plus marquée des cours." Pour lui, l'avancée enregistrée jeudi est peut-être moins due à des raisons de fond qu'à l'approche aux Etats-Unis d'un week-end de trois jours, lundi étant férié. "La règle, à l'approche d'un long week-end, c'est que les cours montent", les investisseurs passant à l'achat par précaution, a-t-il expliqué. "Il peut se produire une révolution, une nouvelle guerre, ou quelque chose dans le genre !" A ce titre, certains analystes se tournent vers l'international pour expliquer la remontée des prix, en particulier vers le Moyen-Orient, où les craintes sur l'approvisionnement sont attisées par les troubles en Irak, en Syrie et au Yémen. "Ce sont les préoccupations géopolitiques qui soutiennent les cours", a jugé John Kilduff, d'Again Capital. "Les forces de l'Etat Islamique ont pris la ville de Palmyre (en Syrie) et il y a de nouveaux combats au Yémen. Cela ne fait qu'attiser la nervosité à propos de l'ensemble de la région, et donc de sa production de pétrole." Même si le Yémen, où la coalition dirigée par l'Arabie saoudite a repris ses frappes aériennes contre les rebelles chiites Houthis, n'est pas un gros producteur de pétrole, les pays voisins sont très préoccupés par la sécurité du détroit de Bab el-Mandeb, qui sépare l'Afrique de la Péninsule arabique et se trouve sur un axe important du commerce maritime mondial. En Asie, les cours du pétrole étaient en hausse dans les échanges matinaux, revigorés par une baisse hebdomadaire des réserves de brut et de la production aux Etats-Unis. Le prix du baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en juillet s'appréciait de 10 cents, à 59,08 dollars, tandis que le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison à même échéance prenait 16 cents, à 65,19 dollars. "Les cours du brut rebondissent un peu après le repli des réserves américaines plus marqué que prévu, ce que certains interprètent comme le signe d'un allègement provisoire de l'excès d'offre", relevait Nicholas Teo de CMC Markets. Les opérateurs s'en remettent à une réduction de la production américaine, arrivée à des niveaux historiques sous l'effet de l'extraction de pétrole de schiste, faute de demande suffisante pour absorber l'offre abondante et compte tenu du refus de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de limiter sa propre production et ses exportations afin de soutenir les cours. L'Opep, qui se réunit le 5 juin, a largement contribué à la récente chute du marché, qui a perdu plus de la moitié de sa valeur entre juin et janvier, en s'abstenant à l'automne d'abaisser son plafond de production. Depuis, les cours ont rebondi d'une quinzaine de dollars à partir de la mi-mars, et semblent désormais se stabiliser autour de 60 dollars le baril à New York. Dans l'immédiat, le marché n'entrevoit pas "de direction significative ni du côté de l'offre ni du côté de la demande, et un coup de pouce aux cours ne pourrait venir que de la volatilité du dollar US", selon Nicholas Teo. Le baril est très sensible aux fluctuations du billet vert, monnaie dans laquelle sont libellés les achats de brut. Son renchérissement les rend moins attrayants pour les investisseurs.
Baisse des stocks américains Les stocks de pétrole brut ont enregistré une troisième baisse d'affilée la semaine dernière aux Etats-Unis, reculant plus que prévu, selon des chiffres publiés mercredi par le département américain de l'Energie (DoE). Lors de la semaine achevée le 15 mai, les réserves de brut ont baissé de 2,7 millions de barils, à 482,2 millions, alors que les experts n'attendaient qu'un déclin de 1,75 million de barils. Ce chiffre concerne les stocks commerciaux. Les réserves stratégiques, qui sont généralement maintenues en l'état d'une semaine à l'autre, ont par ailleurs été augmentées de 300 000 barils, à 691,3 millions. Les réserves commerciales reculent ainsi pour la troisième semaine de suite, après avoir monté de façon continue entre janvier et début mai et régulièrement battu des records remontant à 1930. De leur côté, les réserves d'essence ont enregistré une baisse inattendue de 2,8 millions de barils, alors que les analystes s'attendaient à une avancée de 650 000. De même, les stocks de produits distillés (dont le gazole et le fioul de chauffage) ont reculé de 500 000 barils, alors que les experts pensaient qu'ils augmenteraient de 400 000.