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Premier essai du Renault Kadjar, le bon père de famille
Publié dans Le Maghreb le 15 - 06 - 2015

Pour faire vaciller les Peugeot 3008 et Nissan Qashqai, le Renault Kadjar soigne son confort et contient ses tarifs. Ce grand frère du Captur se distingue par son homogénéité.

Il y a quelques années, le leitmotiv de Renault était de proposer une gamme complète de monospaces, type de carrosserie dont il est l'un des pionniers. Mais les temps changent et ce genre tombe peu à peu en désuétude au profit des fameux Sport Utility Vehicules ou SUV. En conséquence, la Twingo a perdu son look monovolume, l'Espace a gagné en garde-au-sol et la Modus a cédé la place à un Captur plus baroudeur et surtout plus à la mode. Alors que le Kadjar arrive à peine sur le marché, il est bien trop tôt pour dire si ce dernier supplantera le Scénic, l'un des piliers de la gamme Renault. Leurs gabarits sont très voisins, leur vocation familiale aussi forte chez l'un que l'autre.
Le souci premier du constructeur français consiste à damer le pion aux SUV déjà bien installés, qu'ils se nomment Nissan Qashqai ou bien Peugeot 3008. Si ce dernier est le numéro 1 des ventes de son segment en France (avec 37.970 exemplaires écoulés en 2014, il prend la treizième place du palmarès global), c'est avant tout au Nissan Qashqai qu'on a envie de comparer le nouveau Renault. D'une part parce que ses ventes en font un best-seller. S'il s'est écoulé à seulement 24.027 exemplaires en France en 2014 (19ème place du palmarès), c'est parce que la nouvelle génération a été lancée en cours d'année. Au niveau européen en effet, il conserve sa suprématie, pointant même à la sixième place sur le premier trimestre. Aussi et surtout, si l'envie nous prend de rapprocher les Kadjar et Qashqai, c'est parce qu'ils partagent la même plateforme modulaire, dénommée CMF C/D au sein de l'Alliance Renault-Nissan. Ils le partagent avec les Nissan Pulsar, Nissan X-Trail et Renault Espace.
Pour le Kadjar, arriver sur le marché face à ces deux épouvantails n'est donc pas chose aisée. Il lui est d'autant plus difficile de se différencier étant donné sa parenté technique avec le Nissan. Heureusement, la plateforme modulaire a permis de lui conférer un caractère spécifique. "Nous n'avons pas pris la base technique du Qashqai pour l'adapter à nos besoins", explique André Abboud, directeur du Programme Kadjar. "La définition du caractère des produits se situent très en amont, lors de la conception de la plateforme. A ce stade, nous avons défini les caractéristiques que nous voudrions pour les divers véhicules susceptibles de reposer sur cette base technique. Et ce, pour chaque marque. Des mulets correspondant au gabarit de chacun de ces modèles ont permis de vérifier la polyvalence de nos solutions techniques. Ainsi, lors de la conception du chacun des véhicules, les ingénieurs sont assurés de pouvoir obtenir exactement le typage stipulé par le cahier des charges."
Au même titre que le Qashqai ou l'Espace, le Kadjar a donc profité d'une plateforme parfaitement conforme à son gabarit et son typage, plus que d'une banque d'organes à adapter à ses besoins. Il est donc inexact de parler de différenciation avec le Qashqai : le Kadjar est le fruit d'une philosophie différente, définie avant même la conception des deux produits, nuance. "Nous avons clairement misé sur le confort", nous révèle Delphine De Andria, Directrice produit. "Après le côté émotionnel et l'aspect statutaire, il s'agit là en effet du troisième critère d'achat pour ce type de véhicules."

Le confort avant tout
A l'usage en effet, le crossover Renault se distingue par sa suspension souple. En conséquence, le roulis est sensible, sans pour autant se montrer gênant. Signe d'une mise au point réussie, cette relative mollesse ne se traduit pas par un pompage excessif sur les grandes ondulations de la chaussée. Le Kadjar ne présente certes pas un comportement sportif, mais l'ensemble apparaît parfaitement cohérent avec la philosophie familiale de l'engin. Cette suspension ouatée se marie à merveille avec des sièges utilisant deux mousses de densité différente : une moelleuse pour l'assise et le dossier et une plus ferme pour les renforts latéraux. S'il est permis de trouver l'assise un peu trop horizontale (elle n'est pas réglable en inclinaison), les fauteuils participent, au même titre que l'insonorisation soignée, à rendre les longues étapes autoroutières agréables. Evidemment, toute médaille a son revers. Ainsi, ce très bon confort fait que le Kadjar n'est pas le plus dynamique des crossovers compacts. Plutôt légère, la direction manque un peu de ressenti. C'est vrai avec les jantes de 19 pouces des modèles haut-de-gamme, ça l'est encore plus avec les jantes de 17 pouces des modèles moins huppés. Les pneumatiques à flancs plus hauts induisent même un certain retard à l'inscription en virage, assez désagréable. Cela est toutefois sans commune mesure avec l'imprécision notoire du Koleos en la matière ! Reste que malgré une belle adhérence et un équilibre à toute épreuve, le Kadjar apparaît moins impérial sur route que son concurrent français, le Peugeot 3008. L'ensemble demeure toutefois plus cohérent que le Qashqai, à l'arrière trop souple et à l'avant qui dispose d'un antiroulis exagéré. Au lancement, le Renault Kadjar sera proposé avec trois motorisations, déjà bien connues au sein de l'Alliance : deux Diesel de 110 ch et 130 ch, et le quatre-cylindres essence 1.2 TCe de 130 ch. Nous avons débuté nos essais avec cette dernière motorisation. Assez vif dans de nombreux autres modèles de la gamme, ce petit bloc a fort à faire pour mouvoir les 1.320kg du Kadjar : c'est 45 kg de plus qu'un Qashqai mais 80 kg de moins qu'un 3008, à motorisations équivalentes. Si la vivacité donne toute satisfaction jusqu'à 80 km/h, les reprises s'avèrent laborieuses et doubler sur route réclame une bonne dose de patience. Au regard de la puissance, somme toute respectable, on est en droit d'attendre mieux. Comme c'est le cas sur le Captur doté de trois-cylindres 0.9 TCe 90, Renault a poussé ici un peu trop loin l'exercice du downsizing, qui consiste à choisir un moteur de petite cylindrée, doté d'un moteur turbo, pour diminuer les consommations. Si l'effet est sensible sur les mesures du cycle normalisé NEDC (Renault annonce une moyenne de 5,6 l/100 km en cycle mixte), le résultat est moins probant en conditions réelles, où l'on est trop souvent obligé de cravacher le moteur. Lors de notre essai, la valeur relevée sur route a ainsi excédé les 9,0 l/100 km. Sur autoroute, aux allures légales, ce chiffre est descendu à 8,5 l/100 km. Assez décevant globalement. Nul doute que le 1.6 TCe 163, déjà disponible sur le Qashqai et prévu pour dans quelques mois sur le Kadjar, saura mieux donner satisfaction, que ce soit en termes de souffle ou d'appétit en conditions réelles.

Le Diesel offre le souffle nécessaire
A n'en pas douter, le Diesel 1.6 dCi de 130 ch donnera davantage satisfaction. Malgré sa puissance équivalente au 1.2 essence et la masse de 1.536 kg de notre version quatre roues motrices d'essai, il délivre des reprises plus en ligne avec la vocation de grand voyageur du Kadjar. Les vocalises et vibrations bien contenues achèvent de rendre cette version tout à fait recommandable, malgré un manque de souffle flagrant sous les 1.700 tr/min, qui rend problématiques les sorties d'épingles à cheveux en seconde. La consommation nous est apparue toutefois assez quelconque, avec une moyenne relevée aux environs de 7,5 l/100 km sur route. Cela est sans doute à mettre au crédit de la transmission intégrale.
Renault a repris le même système permanent que sur le Qashqai, pas aussi évolué que les dispositifs entièrement débrayables proposés par GKN ou American Axle vus sur les Range Rover Evoque, Fiat 500X et autres Jeep Renegade ou Cherokee. A n'en pas douter, une telle transmission (qui limite les frottements) aurait permis de grappiller quelques décilitres de carburant supplémentaires.
En conditions difficiles, cette transmission permet de se sortir de mauvais pas, comme nous avons pu le constater. Toutefois, la garde-au-sol et le débattement de roue relativement faibles limitent les excentricités hors des sentiers battus. Aucun problème toutefois pour ce qui est de rejoindre un chalet à la montagne : la motricité est satisfaisante, de même que l'équilibre sur terrain glissant, très bien jugulé par une électronique qui agit avec pertinence.

Un crossover à vivre
Si le Renault Kadjar affirme sa vocation familiale dans son compromis entre confort et agilité, il en va de même en ce qui concerne les aspects pratiques. L'habitabilité aux places arrière se situe ainsi au meilleur niveau de la catégorie, et même nos modèles d'essai dotés du grand pavillon panoramique vitré conservent une garde-au-toit plus que décente. Le coffre de 472 litres place également le Kadjar parmi les bons élèves : il dépasse de 42 litres celui du Nissan Qashqai et de 40 litres celui du Peugeot 3008. Le double fond compartimentable (dont le plancher est toutefois un peu moins aisé à manipuler que dans le Peugeot) constitue une astuce qui convaincra les familles.
Il est toutefois regrettable que le Kadjar réserve ses talents aux finitions les plus haut-de-gamme (Intens et Edition One). Seules ces deux versions disposent des astucieuses tirettes situées dans le coffre, qui permettent de rabattre la banquette sans effort. Dommage également que cette dernière ne soit pas dotée d'appuie-tête virgule, moins imposants : ceux choisis doivent être démontés avant de rabattre la banquette si les sièges avant sont trop reculés. Autre grief : la ceinture de sécurité entrave l'aire de chargement une fois le dossier rabattu. La sangle peut évidemment être repoussée sur le côté, mais elle se retrouve alors coincée entre l'anneau d'arrimage et le dossier, au moment de relever ce dernier.
Homogène et globalement plutôt bien conçu, le Kadjar ne révolutionne pas pour autant le segment, comme l'a fait son petit frère le Captur avant lui. Il semblerait en conséquence que Renault fasse preuve d'une certaine modestie en ce qui concerne les tarifs, au point de se montrer plus abordable que son cousin le Nissan Qashqai, pourtant déjà bien loti au chapitre budget. Si la finition Connect Edition du japonais conserve toujours un rapport prix/équipement des plus intéressants, le haut-de-gamme Tekna est plus dispendieux. C'est particulièrement vrai avec la transmission intégrale, facturée 2 200 € chez Nissan et seulement 2 000 € chez Renault. L'image de spécialiste du 4x4 est à ce prix.
Si Peugeot ne peut bénéficier de cette image, puisque son 3008 n'est disponible qu'en traction (sauf en version hybride), cela n'empêche pas le Lion de gonfler ses tarifs. Témoin, la finition cœur de gamme Active, proposée au tarif de 26 850 € avec le 1.2 PureTech 130 ch malgré l'absence d'aides à la conduite (alerte de franchissement de ligne, reconnaissance des panneaux, feux de route automatique et accès mains libres). Le Kadjar offre tout cela pour moins cher en finition Zen : 25 600 € avec le 1.2 TCe 130. Si le Renault ne bouscule pas le segment par ses prestations, il se positionne tout de même comme une des meilleures affaires.


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