Les gouvernements de la zone euro ne peuvent ignorer la poussée de l'inflation, a déclaré, hier, le ministre des finances luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, avant un forum à Bruxelles des ministres des finances de la zone euro, l'Eurogroupe, qu'il préside. "J'ai eu plus au moins le même dilemme que la Banque centrale européenne (...). Nous ne pouvons pas ignorer les risques grandissants d'inflation, mais nous devons garder à l'esprit que l'économie, quoique robuste, ralentit," alors que la poussée des prix en zone euro pourrait peser notamment sur la consommation des ménages. Dans les treize pays de la zone euro, l'inflation, alimentée par la flambée du prix du pétrole et des denrées alimentaires, a atteint 3 % sur un an en novembre, son plus haut niveau depuis six ans et demi, selon des chiffres publiés la semaine dernière. De son côté, la croissance économique de la zone euro commence à pâtir de la situation, puisque la Commission européenne prévoit désormais que l'activité n'augmentera que de 2,2 % en 2008 et de 2,1 % en 2009, après une performance remarquable de 2,6 % en 2007. "Pour l'inflation, je pense que nous devons attendre de voir s'il s'agit simplement d'un pic dans les données ou si c'est quelque chose de plus permanent. Il est trop tôt pour le dire", a estimé de son côté le ministre portugais des finances, Fernando Teixeira, avant d'ajouter : "Je suis plus préoccupé par le ralentissement de nos économies." Un avis partagé par le ministre des finances allemand, Peer Steinbrück, qui a, semble-t-il, changé d'avis sur l'euro fort. "Le taux de change du dollar et les prix [élevés] du pétrole pourraient peser sur le développement économique", a-t-il déclaré. Tous les pays de la zone euro, y compris l'Allemagne, commencent en effet à souffrir de la force de leur devise sur les marchés internationaux, qui risque de grimper encore en cas de remontée des taux d'intérêt de la BCE. La vigueur de la monnaie unique, qui s'échangeait lundi à un peu moins de 1,47 dollar, pénalise les entreprises exportatrices européennes, comme le groupe aéronautique EADS et sa filiale Airbus. Dans le même temps, elle permet d'alléger la facture pétrolière de l'Europe, libellée en dollars. Sur ce sujet, les gouvernements européens restent toutefois largement désarmés et veulent éviter une confrontation directe avec les Etats-Unis. Dans le même temps, le secrétaire au trésor américain, Henry Paulson, a répété lundi qu'un dollar fort est "dans l'intérêt" du pays. Mais les Etats-Unis sont soupçonnés de se satisfaire pleinement de cette situation, favorable à leurs exportations au moment où l'économie nationale ralentit.