Il n'y a certainement pas cacophonie aux Etats-Unis, mais un vrai débat s'instaure au sujet des services d'espionnage et plus spécialement en ce qui concerne leur travail relatif aux capacités nucléaires iraniennes. Depuis une dizaine de jours, c'est pratiquement discours contre analyse, mais une analyse fondée sur une somme d'informations collectées par ce que l'Amérique compte comme boîtes de renseignements, même si cela a amené l'Iran à protester contre de telles pratiques. Un premier rapport a totalement remis en cause la démarche de la Maison-Blanche concernant cette question. La présidence a laissé passer l'orage, avant de contester les conclusions du rapport selon lesquelles l'Iran a abandonné son programme nucléaire militaire en 2003. Les Russes, quant à eux, nient l'existence de ce programme. Mais le débat ne s'est pas arrêté là. Un haut responsable des services de renseignement américain a affirmé samedi que le rapport affirmant que l'Iran a mis un terme à son programme nucléaire militaire était le fruit d'une « solide » analyse, après des critiques émanant de parlementaires républicains. « La tâche de la communauté du renseignement est de fournir des analyses objectives et vraies. Nous avons confiance dans nos compétences analytiques », a indiqué Donald Kerr, premier directeur adjoint pour le renseignement national dans un bref communiqué. Cette communication inhabituelle de la part des services de renseignement américains intervient après que des parlementaires du parti du président George W. Bush aient mis en cause les conclusions du rapport des agences de renseignement américaines qui ont affirmé cette semaine « avec un haut degré de confiance » que l'Iran avait suspendu son programme nucléaire militaire en 2003. Ce rapport, qui remet en cause la menace nucléaire iranienne, affaiblit l'argumentaire utilisé jusqu'ici par l'Administration américaine pour obtenir de nouvelles sanctions contre Téhéran. M. Kerr a indiqué que ce communiqué était « une réponse à ceux qui remettent en question le travail analytique et l'intégrité de la communauté du renseignement des Etats-Unis ». Certains républicains appellent à ce qu'une commission du Congrès réexamine les conclusions du rapport, insistant sur le fait qu'un tel changement dans les affirmations des agences de renseignement exige un examen minutieux. Selon l'ancien ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU, John Bolton, le rapport est « contradictoire et n'est pas suffisamment étayé ». « Les risques de désinformation de l'Iran sont réels », écrit-il samedi dans le Washington Post, ajoutant que « l'apparition soudaine de nouvelles sources (de renseignement) devrait être prise avec scepticisme ». Pour la deuxième fois en une semaine, la Maison-Blanche doit se dépêtrer de révélations explosives issues du renseignement : après la remise en cause de la menace nucléaire iranienne, ce sont les méthodes de la CIA liées à ses techniques d'interrogatoires qui suscitent la polémique. Après le rapport affirmant que l'Iran a suspendu son programme nucléaire militaire depuis 2003, l'affaire de la destruction par la CIA elle-même de vidéos d'interrogatoires de suspects d'Al Qaîda scandalise une partie du Congrès. Selon le New York Times samedi, cette destruction s'est faite contre l'avis juridique de hauts responsables de la Maison-Blanche et du Congrès, consultés par la CIA en 2003, qui pensaient que cela pourrait poser des problèmes de légalité plus tard. La CIA a-t-elle agi dans l'illégalité en détruisant ces bandes, ce qui peut s'assimiler à une destruction de preuve et une obstruction à la justice ? Sur l'Iran, la Maison-Blanche n'a pas changé de cap. « J'ai dit que l'Iran était dangereux. Et l'évaluation du Renseignement national ne change rien à mon opinion quant au danger que l'Iran représente pour le monde », a déclaré le président Bush au lendemain de la publication du rapport. « La meilleure diplomatie, une diplomatie efficace est une diplomatie avec laquelle toutes les options sont sur la table », dont l'option militaire, a-t-il répété. Ce rapport intervient, alors que le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, est en tournée dans les pays du Golfe pour améliorer la sécurité dans la région et chercher un soutien contre « la politique déstabilisatrice » de l'Iran. Sur quelle base tient-il une telle analyse ?