L'Union européenne essaiera cette semaine de surmonter les réticences de quelques-uns de ses membres et de montrer qu'elle est résolue à aller au Kosovo piloter la proclamation d'indépendance de ce territoire serbe, jugée inévitable en 2008. Depuis des mois, les 27 pays de l'Union débattent de l'avenir de ce territoire géré par l'ONU depuis 1999, après que l'OTAN a bombardé Belgrade pour faire cesser les exactions des forces serbes sur la population albanaise. Maintenant que la troïka UE/Russie/Etats-Unis chargée d'une ultime médiation entre les Kosovars et leur puissance tutélaire serbe a officiellement conclu sur un échec, les ministres des Affaires étrangères de l'UE sont appelés lundi à se préparer à envoyer sur place quelque 1.800 policiers et juristes pour épauler la police et la justice kosovares. Cette mission pourrait en effet partir pour le Kosovo dès janvier-février, pour prévenir les tensions liées à une proclamation d'indépendance que les Européens font aussi tout, avec leurs alliés américains, pour “coordonner” avec les dirigeants kosovars. Coordonner et retarder si possible jusqu'au printemps, pour que la mission puisse s'installer. L'UE - que la Serbie et le reste des Balkans doivent rejoindre un jour - prépare cette mission depuis longtemps. Elle devait être déployée dans le cadre du plan d'”indépendance surveillée” du Kosovo préconisé en mars par l'émissaire de l'ONU Martti Ahtisaari. Mais la Russie, qui a toujours refusé une indépendance qui ne serait pas acceptée par ses alliés serbes, a rejeté ce plan au Conseil de sécurité de l'ONU. Depuis les Européens, pour qui ce plan est le seul viable, cherchent comment déployer leur mission sans déroger au droit international. La résolution 1244 du Conseil de sécurité, qui confia la gestion du Kosovo à l'ONU en 1999, offre “suffisamment de souplesse” pour déployer cette mission, assurait récemment Stefan Lehne, conseiller pour les Balkans du diplomate en chef de l'UE Javier Solana. Moscou n'est pas d'accord. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, qui verra lundi les responsables de l'UE, dénoncera probablement “ceux qui croient qu'ils peuvent prendre des libertés” avec les règles de l'ONU, comme il l'a fait vendredi à l'OTAN. Cet argument touche les Européens, très attachés à l'ONU et au consensus, et surtout l'Espagne, Chypre, la Grèce et la Slovaquie, eux-mêmes confrontés à des mouvements séparatistes. Contrairement à la plupart de leurs partenaires européens, ces pays ne sont pas prêts à reconnaître une déclaration d'indépendance du Kosovo. La reconnaissance de l'indépendance peut néanmoins se faire pays par pays, mais le départ de la mission de police suppose l'unanimité. Les autres pays comptent donc sur l'”abstention constructive” des hésitants lorsque - en janvier peut-être - il faudra prendre la décision politique de déployer cette mission. Ce qui explique la prudence avec laquelle l'Italie, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, moteurs sur ce dossier au sein de l'UE, chorégraphient le moindre mouvement sur le Kosovo. Vendredi, les ministres français, italien, britannique et allemand ont écrit à leurs homologues européens pour souligner l'échec des dernières négociations et les appeler à “prendre leurs responsabilités”, pour préparer le terrain à la réunion de lundi. Si tout va bien, l'ensemble des ministres adhéreront à cet appel. Et le transmettront à leurs dirigeants qui doivent se réunir vendredi en sommet à Bruxelles, avec l'espoir qu'ils se déclareront eux aussi prêts à “prendre leurs responsabilités”.