Le socialiste Pedro Sanchez s'est vu confier par le roi Felipe VI la tâche épineuse de tenter de former un gouvernement en Espagne. Une mission que le secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) avait acceptée à l'avance. "J'ai proposé Monsieur Pedro Sanchez Castejon comme candidat à la présidence du gouvernement", a écrit le roi dans un texte lu par le président du Congrès (chambre basse du Parlement) Patxi Lopez, un mois et demi après les élections du 20 décembre. "Je suis conscient de l'immense honneur que suppose le fait d'être chargé de cette tâche et les difficultés qu'elle entraîne", a déclaré de son côté mardi soir Pedro Sanchez. Se donnant environ un mois, jusqu'à début mars, M. Sanchez, un professeur d'économie de 43 ans, a assuré qu'il dialoguerait avec "toutes les forces politiques" en vue de la constitution d'un gouvernement "progressiste". Il a cependant annoncé dès le départ qu'il n'était pas disposé à s'allier à la droite au pouvoir depuis fin 2011, très impopulaire pour ses mesures d'austérité.
Refus clairement maintenu Lors des élections législatives du 20 décembre, la droite l'a pourtant emporté avec 28,7% des suffrages, suivie des socialistes (22%). Mais depuis le scrutin, le chef du gouvernement sortant, le conservateur Mariano Rajoy, n'a pas réussi à obtenir les soutiens nécessaires à l'investiture au parlement. Son Parti populaire (PP) n'a plus de majorité suffisante pour gouverner seul et n'arrive pas à trouver d'appuis pour gouverner en coalition, avec 119 élus sur 350, ce qui a conduit M. Rajoy à renoncer dès le 22 janvier à tenter l'investiture. Les très jeunes formations politiques que sont le parti centriste Ciudadanos (40 députés) et le parti de gauche radicale Podemos (65), tout comme le PSOE (90), à qui il a proposé de former une grande coalition tripartite, ont maintenu leur refus. "Le roi a été à la hauteur", a réagi mardi soir Albert Rivera, le leader de Ciudadanos, en estimant que la désignation de M. Sanchez permettait de débloquer enfin la situation. "Ciudadanos souhaite que dès cette semaine démarrent les négociations", a-t-il dit en souhaitant un gouvernement "réformiste" et stable.
Le chômage en priorité Pedro Sanchez devra donc trouver la formule magique pour obtenir l'investiture du Parlement, en n'ayant comme point de départ que les 90 élus de son parti. Assurant vouloir parler avec les autres formations d'abord de "programmes" et non des portefeuilles, il a estimé qu'il faudrait prendre à bras-le-corps quatre priorités: le défi posé par le chômage, les inégalités, la crise indépendantiste en Catalogne et la crise de confiance des citoyens à l'égard de leurs institutions. "La première et principale priorité que nous mettrons sur la table est celle de la création d'emplois", a-t-il dit. Le taux de chômage dépasse encore les 20%, même si la reprise est au rendez-vous avec une croissance du PIB de 3,2% en 2015. Il a aussi évoqué une réforme fiscale défendant les classes moyennes, une transition énergétique vers une économie verte et un pacte pour l'Education. Pedro Sanchez peut soit s'entendre avec sa droite (Ciudadanos) soit négocier sur sa gauche (Podemos). Ces deux partis ont en effet indiqué qu'ils ne feraient jamais partie du même gouvernement car ils sont diamétralement opposés sur les solutions à apporter à la fièvre indépendantiste qui s'est emparée de la Catalogne. Au moins trois semaines Podemos avait proposé mi-janvier aux socialistes de former un gouvernement où son chef Pablo Iglesias aurait la vice-présidence et où serait créé un ministère consacré aux "pays" formant l'Espagne. Un "chantage" selon certains socialistes, qui est resté sans réponse. "Je ne comprends pas comment on peut faire attendre les Espagnols de la sorte", a déclaré Pablo Iglesias en se plaignant de l'absence de négociations. M. Sanchez a dénoncé "l'arrogance" de Podemos, laissant entrevoir des discussions ardues. Le président de la chambre basse du Parlement Patxi Lopez, qui s'exprimait mardi après une brève entrevue avec le roi, a estimé que Pedro Sanchez aurait besoin d'au moins trois semaines, voire d'un mois, avant qu'un premier vote de confiance au parlement puisse être organisé. Selon la Constitution espagnole, une fois ce premier vote organisé, un délai de deux mois court pour la formation d'un gouvernement. Passé ce délai sans gouvernement, une nouvelle élection nationale est organisée. Cette issue n'est pas à exclure, estiment de plus en plus d'observateurs.