Au pouvoir depuis fin 2011, son Parti Populaire (PP) reste première formation du pays. Il devance de 1,6 million de voix son adversaire traditionnel, le PSOE, mais ses 123 sièges le laissent loin de la majorité absolue de 176. Le chef du gouvernement sortant en Espagne, le conservateur Mariano Rajoy, s'est attelé hier à la tâche difficile de former un nouveau gouvernement après avoir perdu la majorité au congrès des députés, où le nouveau parti de gauche radicale Podemos entre en force. Les analystes s'attendent à une législature courte même si les conservateurs parviennent à se maintenir au pouvoir en formant un gouvernement minoritaire, un des scénarios les plus évoqués. «Je vais essayer de former un gouvernement», a sobrement déclaré dans la nuit M.Rajoy devant ses militants sonnés par la perte de 63 sièges, reconnaissant que ce serait difficile. «Il sera nécessaire de parler beaucoup, dialoguer davantage, arriver à des accords». Le PP a été sanctionné pour sa politique d'austérité et la corruption dans ses rangs, alors qu'un actif sur cinq est encore au chômage. Le Parti socialiste ouvrier (PSOE) a enregistré le pire résultat de histoire, avec 90 sièges, perdant 1 million et demi d'électeurs en quatre ans, au profit de Podemos. Suivant de près les socialistes, la formation de gauche radicale Podemos et ses alliés est arrivée troisième avec 20,6% des voix et 69 sièges, moins de deux ans après sa naissance. En position de force, son chef, Pablo Iglesias, 37 ans, a immédiatement posé ses conditions pour l'avenir du pays. Il a jugé «indispensable» une réforme de la Constitution, notamment pour garantir l'inaliénabilité du droit au logement, à la santé et à l'éducation. Première force en Catalogne et au Pays basque, deux régions tentée par la sécession, il a également appelé à un nouvel accord territorial garantissant «la plurinationalité du pays». L'autre parti qui réclamait le changement, le libéral Ciudadanos va aussi, pour la première fois, siéger au congrès, avec 40 députés. L'incertitude politique a été immédiatement sanctionnée par les marchés, la Bourse de Madrid perdant brièvement 3% peu après l'ouverture hier. Deux heures plus tard, toutes les valeurs étaient dans le rouge. Aucun bloc, à gauche ou à droite, n'arrive à la majorité absolue de 176 sièges. Même si Ciudadanos décidait d'appuyer l'investiture de M.Rajoy, ce qu'il exclut, les deux partis n'auraient ensemble que 163 sièges. Et un bloc PSOE-Podemos n'obtiendrait que 159 sièges. Un autre scénario - fort complexe - serait une alliance «tripartite» de Podemos et Ciudadanos avec les socialistes (199 sièges). La situation s'apparente à de véritables sudoku pour des hommes politiques habitués à plus une confortable alternance entre la droite et la gauche, depuis 1982. «Ce sera une législature particulièrement courte parce que les équilibres sont très compliqués», a estimé Berta Barbet, professeur de sciences politiques à l'université de Barcelone. Son collègue Fernando Vallespin, de l'université autonome de Madrid, ne prédit pas non plus une longue vie au prochain gouvernement. Il envisage que le PSOE s'abstienne pour permettre aux conservateurs de gouverner, tout en demandant le départ de Mariano Rajoy comme prix de son abstention. «Je crois que Podemos va vouloir pousser le PSOE à s'abstenir pour permettre l'investiture du PP», a-t-il déclaré. Selon lui, Podemos ne voudra pas s'allier aux socialistes parce que son objectif «l'hégémonie de la gauche». Le PSOE et Podemos ont annoncé hier qu'ils bloqueront l'investiture de Rajoy. Ciudadanos, de son côté, a annoncé qu'il s'abstiendrait pour donner une chance aux conservateurs, a engagé les socialistes à faire de même. «Ce dont nous avons besoin c'est une abstention du PSOE, de Ciudadanos, et un gouvernement minoritaire qui aura la force d'accepter des réformes, de discuter des différent sujets un par un», a-t-il déclaré dans une interview télévisée. La nouvelle chambre se réunira le 13 janvier. Après un premier vote d'investiture dont la date n'a pas été fixée, le parlement disposera de deux mois pour investir un gouvernement, faute de quoi le roi devra convoquer de nouvelles élections.