Dans le deuxième volet d'une longue interview, parue dans le quotidien italien La Repubblica, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a mis en garde jeudi contre toute intervention internationale prématurée en Libye, rappelant les échecs essuyés par la communauté internationale en Somalie et en Afghanistan, et a appelé à équiper l'Armée nationale libyenne du général Khalifa Haftar. Il est très important que toute initiative italienne, européenne ou internationale intervienne sur demande libyenne et sous le mandat des Nations unies et de la Ligue arabe, a souligné le chef de l'Etat égyptien. Il faut garder à l'esprit deux leçons: celle de l'Afghanistan et celle de la Somalie: il y a eu des interventions étrangères il y a plus de trente ans et quels progrès ont été enregistrés depuis lors' s'est-il interrogé. Les résultats sont sous le regard de tous, l'Histoire parle clairement. Les Européens, a-t-il déploré, regardent la Libye comme si le groupe Etat islamique était l'unique menace. (...) C'est une erreur grave (...) Nous devons être conscients que nous avons devant nous différents sigles porteurs de la même idéologie: que dire des réseaux d'Al-Qaïda comme Ansar al-Islam, comme les shebab somaliens et jusqu'à Boko Haram en Afrique? Le président égyptien propose une stratégie globale qui ne concerne pas seulement la Libye, consistant dans la défense dans la région de la stabilité de tous les pays qui ne sont pas encore tombés dans le chaos. Et il prévient les Européens du risque d'une vague de réfugiés deux ou trois fois plus grande qu'aujourd'hui.
Les cinq questions de Sissi Le président El-Sissi pose cinq questions au cas où il devait y avoir un jour une opération militaire sous commandement italien en Libye: Un: comment entrons-nous en Libye et comment en sortons-nous ? Deux: qui aura la responsabilité de reconstituer les forces armées et les appareils de police ? Trois: au cours de la mission, comment fera-t-on pour gérer la sécurité et protéger la population ? Quatre: une intervention sera-t-elle en mesure de subvenir aux besoins et aux nécessités de toutes les communautés et peuples de Libye ? Cinq: qui se chargera de la reconstruction nationale ? L'alternative, fait-il valoir, est le soutien à l'Armée nationale libyenne (ANL) commandée par le général Khalifa Haftar. Il y a des résultats positifs qui peuvent être atteints si nous la soutenons. Et ces résultats peuvent être obtenus avant que nous assumions la responsabilité d'une intervention. Si nous fournissons des armes et un soutien à l'Armée nationale libyenne, elle peut faire le travail mieux que n'importe qui d'autre, mieux que toute intervention extérieure qui risque au contraire de nous amener dans une situation qui nous échappe et qui provoque des développements incontrôlables. L'Egypte, a-t-il rappelé, encourage le parlement de Tobrouk (qui soutient majoritairement le général Haftar) à donner son approbation à un gouvernement d'union nationale libyenne.
Le gouvernement d'union bientôt installé à Tripoli Le gouvernement d'union libyen soutenu par les Nations unies s'installera à Tripoli "dans les tout prochains jours", a déclaré jeudi son Premier ministre, Fayez el Sarraj, au cours d'une interview télévisée. Fayez el Sarraj, qui devait s'entretenir hier avec le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, actuellement en visite en Tunisie, a précisé que cette décision découlait d'un accord sur la sécurité dans la capitale libyenne conclu entre l'Onu, l'armée, la police et des groupes armés. "Nous, gouvernement d'accord national, serons bientôt à Tripoli, (...) dans les tout prochains jours", a-t-il dit à la chaîne Libya HD, basée en Jordanie. "Les groupes armés resteront cantonnés dans leurs camps jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé avec eux pour savoir si leurs membres seront intégrés et les jeunes gens absorbés au sein de certains programmes définis par le plan de sécurité." Jean-Marc Ayrault a promis jeudi de tout faire pour faciliter l'installation du gouvernement d'union à Tripoli. "Il est indispensable que le gouvernement soit installé à Tripoli", a déclaré le chef de la diplomatie française à Tunis. "Si l'on veut que sa légitimité soit reconnue pas seulement par la communauté internationale mais aussi par le peuple libyen, il faut qu'il soit installé dans la capitale. Il faut aider à ça." "Il faut un gouvernement d'union nationale installé à Tripoli en toute sécurité et il faut que les partenaires, notamment la France, jouent le jeu pour aider à cette sécurisation", a-t-il dit. Le gouvernement d'union libyen a été mis en place en vertu d'un plan élaboré en décembre par les Nations pour mettre fin à la division du pays et contrer l'influence croissante des djihadistes de l'Etat islamique. La Libye a deux parlements et deux gouvernements rivaux depuis 2014. L'organe chargé par l'Onu de faciliter la transition dans le pays, le Conseil présidentiel, également dirigé par Fayez el Sarraj, a invité samedi les institutions concurrentes libyennes à lancer le processus de transfert du pouvoir au nouveau gouvernement d'union et demandé à la communauté internationale de ne plus traiter qu'avec ce gouvernement. Fayez el Sarraj a estimé que le Conseil présidentiel devait profiter de l'intérêt actuellement porté à la Libye par la communauté internationale, en soulignant cependant que les Libyens devaient rester maîtres de leur destin. "L'intervention directe est inacceptable, et nous avons clairement fait passer le message", a-t-il dit.