Les cours pétroliers sont un peu montés jeudi et ont fini pour la deuxième séance de suite au plus haut de l'année à New York, après que l'Agence internationale de l'Energie (AIE) a alimenté l'optimisme des investisseurs par un rapport encourageant. Le cours du baril de référence (WTI) pour livraison en juin, qui avait déjà fini la veille à un niveau sans précédent depuis novembre, a pris 47 cents à 46,70 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex) A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet a gagné 48 cents à 48,08 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). Le marché est animé par plusieurs éléments, a résumé Andy Lipow, de Lipow Oil Associates, citant notamment le fait que L'AIE comme le département américain de l'Energie (DoE) ont revu en hausse leurs prévisions de demande. Bras énergétique de l'OCDE, l'AIE a non seulement laissé la porte ouverte à une accélération de la demande en 2016, mais aussi prévu une forte baisse de la production en dehors de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Cela fait espérer que le marché se rééquilibre d'ici la fin de l'année alors qu'il est plombé depuis plus de deux ans par une surabondance générale, a commenté M. Lipow. Le DoE avait déjà publié des conclusions plutôt encourageantes en début de semaine dans son propre rapport mensuel, et les investisseurs attendent encore pour vendredi une publication semblable de l'Opep. Certains observateurs relativisaient tout de même l'optimisme en remarquant que le niveau élevé de l'offre de l'Opep, dominée par l'Arabie saoudite, restait un point noir parmi ces bonnes nouvelles. Même si l'AIE a relevé ses estimations sur la demande mondiale et abaissé à la marge ses prévisions sur l'offre extérieure à l'Opep, elle s'attend à ce que la production du cartel atteigne 31,9 millions de barils par jour (bj) au deuxième trimestre, ce qui tendrait à conforter l'actuelle surabondance, a commenté dans une note Tim Evans, de Citi.
Frein du dollar En dehors de ces rapports, le marché continue à profiter de l'annonce hier d'une baisse inattendue des stocks de brut aux Etats-Unis, a noté Gene McGillian de Tradition Energy, évoquant aussi les incertitudes persistantes autour des incendies au Canada et des sabotages au Nigeria. Alors que les réserves américaines de brut s'approchaient de niveaux jamais vus et que les analystes s'attendaient à une nouvelle hausse hebdomadaire, le département de l'Energie (DoE) a fait état mercredi d'une baisse de plus de trois millions de barils, quand bien même les incendies canadiens n'ont guère affecté le niveau des importations. Et en même temps, la production américaine continue à baisser, désormais au plus bas depuis l'automne 2014, a souligné M. Lipow. Le déclin persistant de la production américaine est l'une des principales lueurs d'espoir des investisseurs, après l'échec à la mi-avril de négociations entre pays producteurs auxquelles ne participaient pas les Etats-Unis. Enfin, parmi les éléments moins favorables aux cours, qui ont connu un accès de faiblesse en milieu de séance, le renforcement du dollar a agi comme un ralentisseur sur le marché pétrolier, a écrit Matt Smith, de ClipperData. La force du billet vert, qui se remet depuis quelques séances d'une période de déprime, est défavorables au marché pétrolier car les échanges y sont libellés en monnaie américaine et deviennent donc plus coûteux.
Baisse en Asie Les cours du pétrole étaient en baisse dans les échanges matinaux en Asie sous l'effet de prises de bénéfices, après avoir terminé la veille à un plus haut de l'année à la faveur d'un recul surprise des stocks de brut américain. Vers 03H45 GMT, le cours du baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en juin perdait 13 cents, à 46,10 dollars, dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne du brut, pour livraison en juillet, cédait 16 cents à 47,44 dollars. Le département de l'Energie (DoE) a fait état d'une baisse inattendue mercredi des réserves hebdomadaires de brut, ce qui a fait bondir les cours. Toute chute des stocks témoigne d'une hausse de la demande chez le premier consommateur de brut mondial. L'or noir a connu d'importantes variations cette semaine, les investisseurs tentant d'évaluer les effets des gigantesques incendies qui se sont propagés dans la province de l'Alberta, haut lieu de la production canadienne de sables bitumineux. "Les investisseurs ont peut-être l'impression que les cours sont allés trop haut. Parfois, ils cherchent à atteindre un certain niveau pour vendre et réaliser des bénéfices", a déclaré Bernard Aw, analyste chez IG Markets à Singapour. Malgré des facteurs haussiers comme les incendies du Canada et la fermeture d'un oléoduc au Nigeria, les fondamentaux du marché restent les mêmes, a également souligné M. Aw. Les cours du pétrole ont plongé depuis juin 2014, quand le baril se négociait 100 dollars, en raison d'une offre excédentaire que ne parviennent plus à absorber des économies en plein ralentissement.
L'AIE optimiste Moins de barils en provenance des pays non Opep, dont le Canada où de vastes feux de forêts ont stoppé l'exploitation, des stocks réduits et une demande qui pourrait être plus vigoureuse que prévu: le marché pétrolier est résolument en voie de rééquilibrage, selon l'Agence internationale de l'énergie. Les feux de forêt au Canada ont entraîné la fermeture de 1,2 mbj de capacités de production, a souligné l'AIE dans son rapport mensuel publié jeudi, estimant toutefois prématuré d'en évaluer l'impact total sur la production. Ces incendies, qui font rage dans la région de Fort McMurray, en Alberta (ouest), ont poussé les autorités à imposer des conditions aux compagnies pétrolières, liées à la sûreté du personnel notamment, avant un redémarrage de leurs activités qui pourrait au mieux prendre plusieurs jours, voire semaines. Même avant ces incendies, la production canadienne de pétrole était attendue en baisse en avril et en mai en raison de la maintenance programmée d'un certain nombre d'installations, a ajouté le bras énergétique des pays développés de l'OCDE (Organisation de développement et de coopération économiques). Dans le même temps, l'offre provenant des Etats-Unis a aussi continué à décliner, pénalisée par la faiblesse des prix du brut, malgré une remontée au-dessus de la barre des 45 dollars le baril après les points bas observés en janvier. En avril, l'offre d'or noir a également été affectée par des interruptions imprévues au Ghana et en Italie, où le géant Eni a suspendu la production de son site du Val d'Agri (75.000 bj), ciblé par une enquête pour trafic de déchets. Résultat, la production des pays n'appartenant pas à l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) devrait baisser de 800.000 barils par jour, contre une estimation précédente de 700.000 bj, pour atteindre 56,8 mbj, a estimé l'AIE.
Chute vertigineuse L'impact haussier de ces aléas sur les cours devrait toutefois rester limité en raison de stocks qui restent très abondants, même s'ils ont commencé à décliner, un mouvement qui devrait s'accélérer en cours d'année, selon l'AIE. Ainsi, les stocks mondiaux d'or noir devraient encore croître de 1,3 mbj au premier semestre, avant de subir une chute vertigineuse à 200.000 barils par jour. Au sein de l'OCDE, ils ont même décliné en février, pour la première fois en un an. Cela appuie notre opinion selon laquelle l'offre excédentaire mondiale va se réduire considérablement plus tard cette année, a expliqué l'AIE. De son côté, l'Opep a continué à pomper vigoureusement en avril. Sa production a augmenté de 330.000 bj pour atteindre 32,76 mbj, soutenue par un bond de l'Iran qui a contrebalancé des arrêts au Nigeria et les inquiétudes sur le Venezuela. Les champs pétroliers iraniens ont pompé 3,6 mbj en avril - un niveau qui n'avait pas été atteint depuis novembre 2011, avant le renforcement des sanctions, a détaillé l'AIE. Et les exportations se sont élevées à 2 mbj, en forte hausse par rapport à mars (1,4 mbj), flirtant avec le niveau d'avant les sanctions, levées en début d'année. L'Opep doit étudier la situation sur le marché lors de sa réunion ministérielle le 2 juin à Vienne. Au total, la production pétrolière mondiale a augmenté de 250.000 bj le mois dernier, à 96,2 mbj, face à une demande plus vigoureuse que prévu au premier trimestre (+1,4 mbj à 95 mbj), tirée par l'Inde principalement, dont l'appétit a crû plus vite que celui de la Chine. La prévision de demande mondiale a été maintenue à 95,9 millions de barils par jour (mbj) pour l'ensemble de 2016, en hausse de 1,2 mbj, mais l'AIE a prévenu qu'un éventuel changement dans ses estimations interviendrait plus probablement à la hausse qu'à la baisse.