La résilience de l'Algérie résulte des politiques menées auparavant qui ont permis au pays de cumuler des marges de manœuvre importantes sous forme notamment de réserves de change, d'épargne budgétaire et aussi du remboursement anticipé de sa dette extérieure. Ces marges de manœuvre permettent ainsi à l'Algérie de faire une diversification économique, et réduire sa dépendance aux hydrocarbures, d'ailleurs, la croissance économique "a relativement résisté jusqu'à maintenant". En revanche, le choc pétrolier a eu un effet "assez rapide et fort" sur les finances publiques et sur les comptes extérieurs qui se sont dégradés d'une manière "assez significative", notamment, pour les réserves de change du pays qui ont continué à fondre rapidement au cours de l'année 2015. A fin décembre 2015, leur montant s'élevait à 145 milliards de dollars, soit l'équivalent d'un peu plus de 20 mois d'importations. Les réserves officielles de change (or non compris) se sont donc fortement contractées tout au long de l'année dernière. On peut rappeler qu'elles s'établissaient à 152 milliards de dollars à fin septembre 2015, contre 159 milliards de dollars à fin juin 2015, et 179 milliards de dollars à fin décembre 2014. Ce qui porte leur réduction à près de 34 milliards de dollars en une année. Par ailleurs, l'Algérie dispose de marges lui permettant de mener une transition économique "en douceur" mais elle doit accélérer sa diversification économique à travers des réformes, ont indiqué de hauts responsables du FMI. "L'Algérie fait face à un choc de grande ampleur avec la dégringolade des prix du pétrole depuis deux ans, et qui est probablement appelée à durer. Mais quand ce choc est arrivé, le pays n'était pas démuni", souligne le chef de division du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, M. Jean-François Dauphin. M. Dauphin fait partie de la délégation du FMI, qui compte également le directeur adjoint de ce même département, M. Adnan Mazarei, en visite à Alger pour mettre à jour les données économiques de l'Algérie et discuter des diverses questions dont notamment les moyens d'améliorer les capacités techniques des institutions financières du pays. En conséquence, il avance que le défi actuel de l'Algérie est de voir "comment profiter des marges qui restent pour, à la fois, restaurer les équilibres macro-économiques et revisiter son modèle de croissance afin de réduire sa dépendance du secteur énergétique et de la dépense publique". "Il faut passer à une croissance plus diversifiée et tirée davantage par le secteur privé", estime le représentant du FMI pour lequel "plus l'Algérie accélère la mise en œuvre des réformes nécessaires pour changer son modèle économique, mieux elle fera face à cette situation". Pour réaliser cet objectif et encourager le secteur privé, M. Dauphin suggère l'engagement de réformes structurelles sur différents fronts: Améliorer le climat des affaires, simplifier les procédures administratives, faciliter l'acte d'investir, de créer et de gérer une entreprise et accéder aux financements notamment pour les PME. Il s'agit également, poursuit-il, d'améliorer la gouvernance des entreprises et les conditions de concurrence, de s'ouvrir plus sur l'investissement étranger et de développer un système d'éducation et de formation professionnelle qui répond aux besoins des entreprises. "Il est donc important, pour l'Algérie, de lancer le plus tôt possible ces réformes et d'encourager le secteur privé", résume-t-il.
L'Algérie n'a pas besoin d'argent Pour sa part, M. Mazarei relève que la situation du choc pétrolier à laquelle l'Algérie fait face ne lui est pas spécifique mais concerne également les autres pays pétroliers, notamment ceux de la région. Il soutient que si tous ces pays doivent réduire leur dépendance des hydrocarbures et restructurer leurs économies, chacun d'eux doit, cependant, adopter sa propre stratégie en fonction de ses moyens et de sa situation. Pour le cas de l'Algérie, ce haut responsable au sein de l'institution de Bretton Woods affirme que le pays pourra surmonter cette difficile conjoncture internationale grâce non seulement à ses "atouts" mais aussi "à la volonté des autorités nationales pour diversifier l'économie". "Durant mon séjour, j'ai rencontré plusieurs responsables algériens, en particulier le gouverneur de la Banque centrale et le ministre des Finances (...). Les autorités prennent (la situation économique) au sérieux", note M. Mazarei en affirmant la disponibilité du FMI à soutenir l'Algérie dans sa démarche de transition économique. "L'Algérie n'a pas besoin d'argent. Nous sommes ici pour offrir l'assistance et les conseils d'ordre technique et économique du FMI" pour réaliser cette diversification, avance le même responsable. Dans ce sens, M. Mazarei affirme que même si l'Algérie peut bénéficier des expériences du FMI dans d'autres pays, mais ''c'est aux autorités algériennes, qui connaissent mieux leur pays, d'établir une stratégie appropriée". Questionné sur les dispositifs mis en place récemment pour drainer davantage l'épargne nationale, M. Dauphin salue cette démarche de l'Etat visant à diversifier ses sources de financement en se tournant notamment vers le marché financier afin de sortir de la dépendance du budget public: "Cette orientation est la bonne", répond M. Dauphin à l'APS. Interrogés également sur les subventions, les deux responsables du FMI saluent la démarche de l'Algérie qui vise un meilleur ciblage des subventions à travers les mesures prises dans la Loi de finance 2016 en augmentant les prix d'électricité et du gaz mais en fonction du niveau de consommation. "Cette démarche est effectivement la bonne puisque les prix ont été augmentés pour les tranches (de consommation) supérieures sans toucher celles les plus basses. Ce qui permet de protéger les populations vulnérables et qui consomment moins d'énergie", soutient M. Dauphin. Selon ce représentant qui s'appuie sur une étude réalisée récemment par le FMI, les subventions énergétiques en Algérie sont mal réparties: 20% de la population la plus riche en bénéficient six fois plus que les 20% de la population la plus pauvre. D'où la nécessité, selon lui, de redistribuer ces transferts dans le sens inverse à même de permettre à l'Algérie d'économiser des sommes importantes qu'elle pourra investir dans le développement économique et social. "Cette réforme est nécessaire non seulement du point de vue budgétaire mais aussi du point de vue d'équité sociale", propose-t-il. De son côté, M. Mazarei, qui observe que la réforme des subventions est en cours dans plusieurs autres pays de la région, explique que la vision du FMI est justement de réviser les politiques de subvention d'une manière progressive et non brutale afin de protéger les couches défavorables. En Algérie, certaines subventions sont "problématiques", estime-t-il en citant en particulier les subventions énergétiques lesquelles, selon lui, profitent davantage aux riches qu'aux pauvres. Par contre, ajoute-t-il, le Fonds appuie le fait que l'Algérie préserve les subventions nécessaires à la protection des populations pauvres, notamment celles relatives à l'alimentation et à la santé.