ONG et acteurs économiques étaient invités vendredi à l'Elysée pour un bilan de l'application de la loi sur la transition énergétique votée il y a un an et dont ils déplorent la lenteur et l'incohérence avec les objectifs. Quelle est l'ambition ? Le texte a pour but d'amener l'économie et la société vers un modèle plus sobre en énergies et en ressources. D'ici 2050, la consommation finale d'énergie du pays, tous secteurs confondus (bâtiment, transports, production d'électricité), doit être réduite de moitié, et celle des énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz) de 30% d'ici 2030. Les énergies renouvelables devront représenter en 2030, 32% de la consommation d'énergie, contre 13,7% en 2012. En parallèle, la part du nucléaire devra être ramenée de 75 à 50% de la production d'électricité à horizon 2025 et la capacité totale sera plafonnée à son niveau actuel. Enfin, les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer de 40% en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Le texte détaille les mesures à prendre dans les transports, l'énergie, le logement ou encore le recyclage des déchets.
Qu'est-ce qui a été fait en un an ? Les ménages ont déjà pu constater les effets de la loi dans leur vie quotidienne. Depuis le 1er juillet, les sacs plastiques à usage unique ne sont plus distribués aux caisses des magasins. L'obsolescence programmée d'un produit est devenue une infraction. Dans les transports, les automobilistes bénéficient d'un bonus pour l'achat d'un véhicule électrique pour remplacer un véhicule diesel. La loi permet aussi la création de zones à circulation restreinte pour réduire la pollution. Dans le logement, le crédit d'impôt transition énergétique et l'éco-prêt à taux zéro soutiennent les travaux de rénovation énergétique. En matière d'énergie, les premiers compteurs électriques intelligents ont commencé à être déployés pour permettre aux clients de connaître leur consommation précise. Dans les énergies renouvelables, le bilan est globalement satisfaisant, juge Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, avec notamment une planification régulière des appels d'offres pour développer l'éolien, le solaire ou la petite hydroélectricité. C'est très rassurant pour les investisseurs et les entreprises, cela leur permet de programmer leurs investissements, ajoute-t-il.
Qu'est-ce qui bloque? Sans surprise, le gouvernement peine à avancer sur le volet nucléaire. La manière de réduire significativement la part de l'atome reste à détailler, au grand mécontentement des organisations environnementales. Seul l'arrêt de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) est programmé en 2018 quand l'EPR de Flamanville (Manche) entrera en service. D'autres fermetures promises ne sont pas explicitées: le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie, feuille de route gouvernementale de la transition énergétique mise en consultation le 1er juillet, évoque seulement l'arrêt de certains réacteurs à partir de 2019-2020, et la prolongation de la durée de vie d'autres, en tenant compte notamment de l'évolution de la consommation d'électricité. La fourchette de réduction de production nucléaire proposée permettrait, au mieux, d'atteindre une part de 65% de nucléaire d'ici 2023!, a déploré le Réseau Sortir du nucléaire. Dans les énergies renouvelables, les textes détaillant le nouveau mécanisme de soutien en remplacement des tarifs d'achat, sont toujours examinés à Bruxelles, privant les filières concernées de soutien, regrette M. Bal. Autre déception: le bâtiment, où les textes d'applications, déjà publiés ou en consultation, sont en dehors des clous pour atteindre les 500 000 rénovations par an à partir de 2017, selon Adeline Mathien de France Nature Environnement. On attendait beaucoup des décrets et de la précision de ceux-ci, et on trouve que le compte n'y est pas, acquiesce Sabine Basili, vice-présidente de la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (Capeb). Conséquence: on est loin d'une croissance à deux chiffres de l'activité des artisans, ajoute-t-elle, alors que le gouvernement attend 100 000 emplois créés grâce à la +croissance verte+. Tout se jouera dans le prochain projet de loi de finances, pour s'assurer que les moyens financiers promis, notamment sur la gestion des déchets, la chaleur renouvelable, la hausse de la contribution-climat énergie sont bien au rendez-vous, prévient aussi Nicolas Garnier d'Amorce, association regroupant collectivités et entreprises. Sans moyens réels, on aura fait de la transition énergétique pour pas cher, un peu +Canada dry+ et ce serait dommage, ajoute-t-il.
L'exécutif satisfait, les ONG restent sur leur faim Un an après le vote de la loi de transition énergétique, texte emblématique du quinquennat, François Hollande et Ségolène Royal ont affiché vendredi leur satisfaction au vu des résultats obtenus, mais les ONG restent sur leur faim, en particulier à propos du nucléaire. Suppression des sacs plastiques à usage unique, montée en puissance des énergies renouvelables parallèlement à une réduction de la capacité nucléaire, lancement du chèque énergie pour les plus précaires, déploiement massif de bornes de recharge pour véhicules électriques: le président de la République et la ministre de l'Environnement ont égrené à l'Elysée les mesures phares de la loi adoptée au Parlement le 22 juillet 2015. Une loi adoptée, c'est bien, une loi appliquée, c'est mieux, a déclaré François Hollande devant des acteurs économiques, des élus et des ONG. Ce qui compte, c'est que la vie de nos concitoyens soit changée, a-t-il ajouté, soulignant que la quasi-totalité des textes d'application avaient été publiés. Cette loi faisait partie des engagements que j'avais pris comme candidat à l'élection présidentielle. (...) Nous voulions qu'à travers cette loi, nous puissions non seulement nous mettre en conformité avec notre propre responsabilité pour les générations qui viennent, nous voulions aussi entraîner une dynamique écologique et économique (...) pour ouvrir d'autres perspectives pour les entreprises, a-t-il ajouté. Selon le ministère de l'Environnement, la croissance verte a déjà permis la création ou le maintien de quelque 20 000 emplois en France, sur un objectif affiché de 100 000, notamment dans l'éolien, le solaire, l'isolation thermique et l'individualisation des frais de chauffage. Ce sont des milliers d'emplois et en plus, c'est en train de s'accélérer, s'est félicitée Ségolène Royal, selon laquelle le crédit d'impôt pour la rénovation énergétique de logements a déjà généré 5 milliards d'euros de travaux.
L'heure n'est pas à la fête! Aujourd'hui, les fondations de la maison +Nouveau modèle énergétique+ sont posées et la boîte à outils est à la disposition de tous (...) Maintenant, il appartient à chacun (...) de construire cet édifice de la transition énergétique, a déclaré la ministre. A partir de lundi, une campagne par affiches et dans la presse, lancée par le ministère de l'Environnement, invitera chacun à agir. Mais pour les ONG et certains acteurs économiques, le bilan est plus contrasté: ils déplorent une mise en œuvre trop lente et des incohérences avec les grands objectifs affichés. La transition énergétique, avec le développement de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables, est un formidable gisement d'emplois non délocalisables et cette loi, si elle est mise en œuvre, pourrait rester comme un acte fondamental de ce quinquennat, a estimé Réseau Action Climat. Pourtant, après quelques avancées, les points de blocage sont de plus en plus visibles et le gouvernement est face à un choix: reste-t-il au milieu du gué ou confirme-t-il sa volonté de changement de cap?. La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), feuille de route des trajectoires d'évolution des différentes sources d'énergie jusqu'en 2023, déçoit sur son volet nucléaire. La manière de réduire significativement la part de l'atome de 75% à 50% de la production d'électricité à l'horizon 2025 reste à détailler, alors que seul l'arrêt de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) est aujourd'hui programmé en 2018. L'heure n'est pas à la fête! Les objectifs de la loi ne seront jamais atteints avec ce texte, s'est insurgé Cyrille Cormier, chargé de campagne énergie à Greenpeace, qui a décliné l'invitation de l'Elysée. Dans les énergies renouvelables, le bilan est globalement satisfaisant, juge Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables. Mais les textes détaillant le nouveau mécanisme de soutien financier à ces énergies doivent encore recevoir le feu vert de Bruxelles, privant la filière de visibilité, regrette-t-il. Autre déception: le bâtiment, où les textes d'applications, déjà publiés ou sur le point de l'être, sont en dehors des clous pour atteindre les 500.000 rénovations par an à partir de 2017, selon France Nature Environnement.
La France va réussir sa transition, assure Royal La France va réussir sa transition énergétique, a assuré vendredi la ministre de l'Environnement et de l'Energie, Ségolène Royal, en tirant le bilan de la loi de transition énergétique un an jour pour jour après son adoption au Parlement. Je crois que ce que l'on peut dire, au bout de (cette année), c'est que tout le monde tire dans la même direction. C'est pour ça que ça va réussir, la transition énergétique, a déclaré Mme Royal devant les représentants des 400 territoires à énergie positive, c'est-dire des communes qui financent des projets de transition énergétique, réunis à son ministère. Nous travaillons non seulement pour nos territoires, pour notre proximité - c'est très important - mais aussi, nous travaillons pour la planète. Je pense que les citoyens sont heureux quand ils peuvent à la fois se faire du bien (en diminuant leur facture par des économies d'énergie par exemple, ou en respirant un air plus propre, en ayant un environnement plus verdoyant ou en ayant moins de pollution dans l'eau, etc.) et (...) faire du bien à la planète, a-t-elle ajouté. Et de citer des mesures phares de la loi, comme la montée en puissance des énergies renouvelables, le déploiement du chèque énergie pour les plus précaires ou la mise en place du crédit d'impôt transition énergétique (CITE) pour les travaux d'économie d'énergie dans les logements. Cinq milliards d'euros de travaux ont pu ainsi être déployés et puis, bien évidemment (...), ce sont les créations d'emplois dans les entreprises du bâtiment (...) grâce au déploiement de ces travaux, a souligné Ségolène Royal au sujet de la loi, qui ambitionne au total la création de 100 000 emplois dans la croissance verte. Selon le ministère de l'Environnement, la totalité des textes d'application de la loi ont été réalisés, et 85% des décrets ont été publiés ou sont au Conseil d'Etat. Mais ONG et certains acteurs économiques, invités dans l'après-midi à l'Elysée pour un bilan de l'application de la loi, déplorent la lenteur de sa mise en oeuvre et des incohérences avec les grands objectifs affichés, notamment en termes de réduction de la part du nucléaire dans la future production française d'électricité.